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que nous ne pouvons obtenir que de nous-mêmes ? Trois moyens s’offrent à nous : avoir nettement connaissance du bien, vouloir fermement ce même bien et refouler tous les désirs et tous les vœux qui visent à ce qui n’est pas en notre pouvoir. Seule la volonté par son intervention fera de la connaissance l’élément dominant en nous, de façon que le mouvement des « esprits animaux » lui obéisse docilement. D’ordinaire le sentiment ou la passion jettent le trouble dans notre pensée et nous font trop estimer les biens extérieurs. Maintenant nous pouvons nous arrêter aux jouissances intérieures de l’âme qui sont éternelles comme l’âme elle-même, parce qu’elles sont édifiées sur le solide terrain de la connaissance de la vérité. La connaissance la plus importante est la connaissance de Dieu, créateur de toutes choses, être parfait, dont notre esprit est un rayonnement, et la connaissance de l’âme, en tant qu’essence différente du corps. Ensuite vient la connaissance de l’immensité de l’univers qui détruit la croyance que tout existe pour la terre et que la terre existe pour nous. La connaissance nous apprend à nous considérer nous-mêmes comme parties d’un tout (famille, société, État) et à faire passer les intérêts de la collectivité avant nos propres intérêts. Mais il s’agit avant tout de distinguer ce qui est en notre pouvoir de ce qui ne l’est pas. L’usage de notre volonté est seul entièrement en notre pouvoir. C’est dans le sentiment de cet état que consiste la « générosité », clef de toutes les vertus. L’homme généreux sent qu’il a le pouvoir d’exécuter de grandes choses et il a en même temps conscience des bornes de sa nature. Au lieu de s’imaginer une destinée capricieuse, ce qui est un pur mirage, il faut se faire à la conviction que tout dépend de la volonté éternelle et immuable de la Providence. Par là se purifient les passions, et il reste de la place pour l’amour intellectuel (amor intellectualis) de Dieu, le plus aimable et le plus utile de tous les sentiments que nous puissions avoir dans cette vie (aux théologiens de décider si cet amour, tel que l’homme naturel peut le posséder, est suffisant pour sauver l’homme). Avec une tension convenable de l’esprit et de la pensée, ce sentiment peut en même temps de venir le plus fort de tous les sentiments. — Dans l’éthique comme dans