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d’une représentation semblable, et non directement, que la volonté peut agir avec efficacité sur le mouvement du corps. La lutte de la raison avec la sensibilité n’a pas lieu pour Descartes à l’intérieur de l’âme, c’est une lutte menée entre l’âme ou la volonté d’une part, et le corps (c’est-à-dire les « esprits animaux ») d’autre part ; toute la question est de savoir qui des deux peut donner à la glande pinéale le choc le plus violent ! (Passions de l’âme I. 47). — Ici encore nous trouvons la théorie spiritualiste développée par Descartes avec toute la logique désirable.

f) Éthique.

Lorsque Descartes choisit le doute universel pour point de départ à sa philosophie, il en excepta provisoirement le domaine moral, tout en reconnaissant que son système devait également produire des conséquences pour ce domaine. Ne voulant pas laisser sa vie sans direction pendant qu’il analysait tout théoriquement, il posa provisoirement dans le Discours de la méthode (chap. iii) les règles de conduite suivantes : 1o observer la religion et les mœurs de son pays ; 2o exécuter avec fermeté le parti une fois pris ; 3o chercher plutôt à se vaincre que la fortune, subordonner ses désirs à l’ordre du monde et se rappeler que nos pensées sont la seule chose que nous ayons absolument en notre pouvoir.

Plus tard, lorsqu’il eut développé et publié ses idées philosophiques, il hésita à entrer dans le domaine de la morale. Les théologiens, qui lui en veulent tant, dit-il, à cause de sa physique, ne manqueraient certainement pas de l’importuner, s’il écrivait sur l’éthique. À part quelques remarques contenues dans le traité des Passions de l’âme, nous trouvons ses idées éthiques développées dans les lettres à la princesse Élisabeth, à la reine Christine et à Chanut (l’ambassadeur de France en Suède). Elles ne sont qu’un plus ample développement des règles provisoires du Discours de la méthode ; elles trahissent l’influence des philosophes stoïciens, surtout de Sénèque.

Quels moyens, se demande Descartes, la philosophie peut-elle nous enseigner pour atteindre le souverain bien, que les âmes vulgaires attendent vainement du cours des choses, et