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salité, tout en concédant que l’indifférence de la volonté est bien plutôt une imperfection pour notre connaissance qu’une perfection pour notre volonté. La volonté est plus étendue que l’entendement ; nous pouvons choisir et soutenir une chose que nous ne comprenons pas. La volonté est illimitée, l’entendement est limité : par là Descartes explique la possibilité de l’erreur. — Les « passions » sont dues à l’influence du corps sur l’âme, mais les « émotions intérieures » naissent dans l’âme, ce sont les conséquences de ses pensées et de ses jugements. Le sentiment intérieur, purement spirituel, est accompagné d’une émotion, d’un sentiment sensible tant que l’âme est unie au corps : mais ce sentiment provient de l’action de l’âme sur le cerveau ; la disposition de l’âme, par exemple dans l’amour intellectuel, agit en effet sur la glande pinéale. Dans la passion, la joie précède l’amour, et inversement dans l’émotion intérieure. Tout en s’interdisant par cette conception dualiste l’accès d’une genèse suivie des sentiments, Descartes a rendu un grand service à la psychologie des sentiments en essayant de ramener les divers sentiments à certaines formes élémentaires, dont ils résultent par combinaison. Comme sentiments élémentaires, il cite l’admiration, l’amour, la haine, le désir, la joie et la tristesse.

Il donne de ces sentiments et de leur combinaison un exposé purement descriptif et analytique en appliquant continuellement sa théorie physiologique. Dans l’explication des rapports physiologiques des passions, il attache une importance capitale à l’action réciproque du cerveau et du cœur. Ce n’est que pour l’admiration, dans laquelle il voit le seul sentiment purement intellectuel, qu’il ne croit pas à une influence du cerveau sur le cœur. Il fait ressortir le rapport des passions avec les instincts : elles portent l’âme à rechercher ce qui est utile et à fuir ce qui est nuisible ; le mouvement « des esprits animaux » qui produit la passion fait même, sans intervention de l’âme, accomplir des actes utiles. Mais la finalité qui apparaît ici n’est pas absolue ; aussi l’expérience et la raison doivent-elles intervenir pour la corriger. Le rapport entre une représentation dans l’âme et un certain état des « esprits animaux » est important pour le développement des sentiments ; ce n’est qu’au moyen