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ciis in nobis fiunt). Il pourrait, donc, fait-il remarquer, tout aussi bien dire : je sens, donc je suis, ou : je veux, donc je suis. Ce qu’il veut souligner, c’est le fait primitif de la conscience. Il a le mérite en psychologie d’avoir posé la conscience (mens) ; comme point de départ, car l’idée de l’âme (anima) est et surtout était une idée ambiguë et mystique. Par là il a préparé la psychologie empirique moderne. Il n’est pas impossible qu’en cela il ait été influencé par Vives qui distinguait si nettement les phénomènes psychiques, c’est-à-dire les données réelles, de l’essence de l’âme en soi ; l’ouvrage psychologique de Vives est cité à différentes reprises par Descartes. Mais Descartes croit posséder dans la pensée ou conscience une notion absolument claire et complète de l’essence de l’âme, de même qu’il croit posséder dans l’étendue une notion absolument claire et complète de l’essence de la matière. Si, dit Descartes, je puis penser clairement et complètement l’idée de l’âme sans avoir besoin de supposer l’idée du corps, et si je puis penser clairement et complètement l’idée du corps, sans avoir besoin de penser l’idée de l’âme, n’est-ce pas une preuve que nous nous trouvons ici en face de deux êtres ou substances absolument différents et indépendants l’un de l’autre ? — Nous avons mentionné plus haut le double sens que prend l’idée de substance chez Descartes. Elle ne désigne pas seulement un support de propriétés, quelque chose qui « a » les particularités présentées par l’expérience. Même dans ce sens plutôt vague du mot, Descartes va trop loin en concluant que le « quelque chose » de la pensée diffère du « quelque chose » de l’étendue ; un seul et même « quelque chose » pourrait bien avoir les deux propriétés ! Mais au sens strict du mot, « substance » est un être absolument autonome et indépendant. Il est dans la nature des substances, dit Descartes, de s’exclure mutuellement. Et il fait cette supposition de l’âme et du corps parce qu’il peut penser chacun des deux à part sans penser en même temps l’autre. L’homme se composerait donc de deux substances qui s’excluent mutuellement ! Mais alors leur action réciproque est incompréhensible. Si une substance agit sur l’autre, elles ne peuvent pas être absolument indépendantes l’une de l’autre ; alors il se passe en l’une quelque chose que je ne puis comprendre sans