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fait par Descartes pour décrire tout au long le processus cosmogonique.

Descartes cherche à expliquer l’enchaînement et le développement du monde conformément aux lois générales de la nature ; de même il cherche à expliquer l’organisme et la vie organique d’après des lois purement mécaniques. Outre l’astronomie, la physiologie devrait d’après sa conception également être une science absolument mécanique. Dans son hypothèse cosmogonique il fait abstraction de la théologie ; de même dans sa mécanique organique il fait abstraction de la psychologie ; il se représente le corps humain comme composé de parties matérielles et comme agissant conformément aux lois de la chaleur et du mouvement, sans qu’aucune âme (qu’elle soit « végétative », « sensitive », ou « rationnelle ») intervienne. Cette conception, qui est une conséquence des principes généraux de la physique de Descartes (l’organisme en tant qu’être matériel devant tomber sous les lois générales de la matière), se trouva pour lui empiriquement vérifiée, lorsque William Harvey découvrit la circulation du sang (1628). Harvey est au premier rang parmi les fondateurs de la science moderne de la nature ; il est pour la physiologie ce qu’est Galilée pour la physique. Il donna le coup de grâce aux forces mystiques dans le domaine de la physiologie, en démontrant que le mouvement du sang n’est pas dû à sa propre force ou à la force de l’âme, mais qu’il est dû à la contraction du cœur qui le refoule dans le corps. Les lois générales du mouvement sont ainsi valables au dedans comme au dehors de l’organisme. Descartes fut un des premiers hommes marquants qui aient adopté la théorie d’Harvey. En déclarant dans le Discours de la méthode (chap. v) qu’il se rangeait à cet avis, il apportait un puissant appui à la théorie nouvelle, qui avait à vaincre une si grande résistance, à cause de l’antithèse violente qu’elle offrait avec l’ancienne conception de la vie organique47. Descartes décrit dans différents ouvrages (notamment dans le Traité de l’homme) de quelle façon on peut concevoir le corps humain comme pure machine. Ici encore, sa conception générale a fait naître la clarté, bien que ses expli-