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Aussi décrit-il le monde comme s’il était une machine (terram totumque hunc mundum instar machinæ descripsi). Nous expliquons l’état actuel de l’univers en nous figurant que les parties de la matière ont eu dès le début (car la matière et le mouvement ont été créés simultanément) un mouvement tourbillonnant autour de certains centres. Dans ces centres ont dû se rassembler les parties plus petites qui se sont formées pendant le mouvement tourbillonnant par le frottement réciproque des parties plus grandes. De cette façon se sont formés les différents corps célestes grands et petits. Quelques-uns de ces corps célestes ont peu à peu perdu leur indépendance et ont été entraînés par les tourbillons qui circulent autour de corps célestes plus gros. Il en a été ainsi de la terre. Descartes croit pouvoir dire d’après sa théorie que la terre est immobile puisqu’elle ne modifie pas sa place dans le milieu qui l’entraîne dans son tourbillon autour du soleil ; du reste, il peut y avoir en dehors de la partie de l’univers que nous percevons des étoiles par rapport auxquelles la terre est immobile ! Par cette application subtile de la notion de relativité Descartes cherchait — du reste sans succès — à échapper à la réputation d’être un hérétique disciple de Copernic.

Descartes est le premier des modernes qui ait tenté de donner une théorie mécanique de l’évolution du système du monde. Il est vrai qu’il se prémunit d’une façon courtoise contre la théologie en accordant que le monde a été pleinement et parfaitement créé ainsi que nous le voyons. Il prétend seulement démontrer la possibilité pour l’état actuel du monde de s’être développé à partir d’un état initial imparfait et conformément à des lois naturelles. À la question de savoir comment on doit se représenter cet état initial, il répond qu’il importe peu dans le cas présent de se le représenter d’une façon ou d’une autre : car en vertu des lois naturelles la matière doit parcourir tous les états qu’elle a la faculté de prendre, en sorte que, après avoir passé par une quantité plus ou moins grande d’états imparfaits elle aurait dans tous les cas atteint l’état actuel. Cette explication (Princ. phil. III. 47) qui renferme le programme de toute théorie mécanique de l’évolution, offre plus d’intérêt que l’essai