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ainsi que nous l’avons prouvé, — une détermination qui est encore plus fondamentale que les trois propriétés auxquelles s’en tient Descartes, à savoir la force, l’énergie. — Ce fut l’objet des recherches ultérieures de discuter les questions indiquées ici. En attendant, la physique de Descartes marquait malgré son caractère exclusif un immense progrès en clarté. Nous allons maintenant examiner brièvement quelques-unes des applications les plus importantes des principes généraux qu’il a posés. Nous nous en tiendrons à ses idées fondamentales : dans le détail ses explications sont souvent très malheureuses et très arbitraires. Son défaut était de machiner des hypothèses ; sa grandeur consista à s’emparer heureusement de points de vue universels.

Si tout dans la nature matérielle doit s’expliquer par l’étendue, la divisibilité et la mobilité, seules propriétés de la matière, il s’ensuit que les causes finales ne sont d’aucune utilité. Toutefois pour exclure l’explication téléologique de la nature, Descartes se fonde plutôt sur la théologie que sur la théorie de la connaissance. Dieu étant un Être infini, il doit y avoir dans son opération beaucoup de choses que nous ne pouvons saisir ; vouloir pénétrer ses fins, serait de la présomption. Il y a dans le monde immense une infinité de choses qui n’agissent pas du tout sur nous ; quel sens trouver à l’opinion qu’il serait créé pour nous ? La seule fin possible de tout ce qui se produit doit être Dieu lui-même. La conception téléologique est donc rejetée, parce que nous n’avons pas le droit d’imposer des bornes à l’essence du monde et à l’essence de Dieu.

Pour comprendre la nature dans le détail, nous devons donc d’après Descartes partir des phénomènes les plus simples, les plus évidents, des événements que nous avons continuellement sous les yeux, et expliquer par leur moyen ce qui se passe en petit et en secret, et ce qui s’est produit dans le passé. Le principe de simplicité se convertit donc chez Descartes en principe d’actualité, lequel exige que les choses éloignées et inconnues soient expliquées par les choses proches et connues. Ce que nous ferions de mieux, ce serait de prendre pour point de départ la connaissance de la construction et de l’action de nos machines, car nous en avons les idées les plus distinctes.