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les lois spéciales du mouvement, d’abord la loi d’inertie qui fut pour la première fois établie sciemment et systématiquement par lui. Ce serait, pense Descartes, contraire à l’immutabilité divine qu’une chose, qui doit être regardée comme une et indivisible, puisse sans cause externe perdre l’état où elle se trouve. La possibilité est ainsi rejetée que cette chose passe d’elle-même (sua sponte) et sans influence extérieure du mouvement au repos ou inversement. Descartes fut probablement amené à la loi d’inertie par l’influence de Kepler, qui en établit la moitié, mais indépendamment de Galilée. Il l’avait déjà établie en effet dans son ouvrage Le monde qui avait été composé avant la publication des Dialogues de Galilée. — Descartes fait une réserve en posant la loi d’inertie ; il ménage aux âmes et aux anges la faculté d’agir sur la matière. Cette restriction est faite dans l’intérêt de sa psychologie spiritualiste, que nous examinerons dans la suite.

Le concept de matière a chez Descartes un caractère de simplicité et de clarté ; il est du reste fondé sur le principe de simplicité. C’est un produit naturel de la tendance qui s’exprime aussi chez Kepler et chez Galilée et qui cherchait à ramener toutes les qualités à des rapports quantitatifs : par où la science exacte de la nature était rendue possible. Mais de même que Descartes est porté à négliger le caractère hypothétique de ses résultats déductifs, de même il est porté à considérer ses définitions établies au moyen de l’abstraction et en vertu du principe de simplicité comme complètes et définitives. Il croit connaître entièrement l’essence de la matière au moyen des définitions : étendue, divisibilité, et mobilité, sans pouvoir le garantir. Quand il parle de la matière comme de la substance étendue, il ne remarque pas qu’il a fait d’une abstraction un être existant en soi. Il n’a pas justifié le droit de regarder les propriétés géométriques des choses comme absolues. Cela ne résulte pas en effet nécessairement de ce que ces propriétés sont les plus importantes pour la connaissance de la nature. Des propriétés telles que l’étendue, la divisibilité et la mobilité peuvent très bien être dues à l’action des choses sur nous (de même que la couleur, le goût, l’odeur, etc.), et par suite n’être pas semblables aux choses elles-mêmes. Et du reste il y a —