Page:Höffding - Histoire de la philosophie moderne.djvu/238

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

caractère dogmatique qui s’accusa notamment entre les mains des Cartésiens et devint provoquant. Chez beaucoup d’entre eux une scolastique mécanique prit la place de la scolastique des formes et des qualités substantielles. —

Il résulte des propriétés primordiales de la matière qu’il ne peut y avoir d’atomes absolus, car on ne peut mettre de terme à la divisibilité, — qu’il ne peut y avoir d’espace vide, car espace veut dire étendue, et l’étendue suppose un être étendu, c’est-à-dire la matière, — que le monde de la matière est infini, car il nous est impossible de mettre des bornes à l’étendue, et où est étendue, est aussi matière. De plus il s’ensuit que les modifications matérielles qui se produisent doivent toujours être expliquées conformément aux lois du mouvement, qui deviennent ainsi les lois suprêmes de la nature. Descartes cherche encore à dériver ces lois au moyen de la déduction ; il trouve la base de cette déduction dans l’idée de Dieu qui joue dans sa physique un rôle analogue à l’emploi qu’il en fait dans sa théorie de la connaissance. De l’immutabilité de Dieu, qui est une partie de sa perfection, Descartes déduit que la quantité de mouvement produite lors de la création reste invariable pendant la conservation (qui pour Descartes est une création continuée sans interruption). Le mouvement peut être diversement réparti dans les diverses parties du monde, mais aucun mouvement ne se perd et aucun ne se crée. — En donnant un fondement théologique à son principe de la constance du mouvement, Descartes fait malgré lui l’aveu que les propriétés primordiales de la matière dont il part dans sa physique sont trop simples et trop abstraites. Il apparaît en effet que, à vrai dire, c’est la force divine sans cesse active dans le monde qui est constante ; la constance du mouvement dérive de la constance de cette force. Si Descartes avait vu clairement cela, il aurait trouvé un principe plus exact que celui qu’il pose. Car ce n’est pas le mouvement, mais la force, l’énergie qui est constante. Pour tout passage du mouvement au repos ou inversement, Descartes est embarrassé de son principe. Cependant même sous sa forme imparfaite, son principe est un précurseur intéressant du principe moderne de la conservation de l’énergie. — Descartes tire aussi de l’immutabilité de Dieu