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nous nous y attachons — c’est-à-dire aux idées purement géométriques, — nous pourrons acquérir une intelligence simple et claire de tout ce qui se passe dans le monde de la matière. Le phénomène du mouvement contient l’explication de tous les autres phénomènes. Ce n’est au contraire rien expliquer que d’admettre « des formes » ou des qualités de la matière. Les qualités appartiennent à notre conscience ; mais ce qui se produit réellement dans le monde de la matière, ce sont seulement des mouvements en dehors ou au dedans de notre organisme. Dans la science nous devons nous représenter le monde de la matière tel qu’il serait si personne ne le percevait par les sens. — C’est là le principe de simplicité qui avait joué un si grand rôle dans la lutte pour le nouveau système du monde, et dont on s’autorise maintenant pour ramener toutes les propriétés de la matière à l’étendue et au mouvement. Comme conséquence de cette réduction les qualités sont transportées dans le domaine subjectif. Comme il n’est guère probable que Descartes ait connu le Saggiatore de Galilée, il a certainement trouvé le principe de la subjectivité des qualités sensibles par ses propres moyens, en essayant d’approfondir les conditions d’une explication purement objective et strictement nécessaire des processus matériels. On voit à des notes écrites de la main de Descartes, pendant les années 1619-1620, qu’il ne professait pas encore l’explication mécanique de la nature. C’est pendant ces années 1619-1620 que la transition a dû se produire. Outre l’influence de Kepler, l’influence d’un cercle de jeunes savants français y contribua probablement. Ceux-ci professaient des théories atomiques, mais ils avaient surtout subi l’action de Sebastian Basso, le véritable réformateur de l’atomisme dans les temps modernes ; Descartes cite lui-même Basso au nombre de ses devanciers. Deux jeunes gens de ce cercle voulaient faire à Paris la conférence dont il a été question et provoquèrent ainsi le décret draconien contre les nouvelles idées. Comme d’autre part Sebastian Basso semble subir l’influence des ouvrages de Giordano Bruno, il apparaît ici un lien historique entre Descartes et la philosophie de la Renaissance. — De même (ainsi que nous le verrons dans la suite), la découverte que fit Har-