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avons reconnu notre imperfection, et l’idée de cette imperfection suppose l’idée de la perfection. Nous nous sommes ainsi élevés jusqu’à l’idée de Dieu. Mais ce faîte gravi, l’imperfection subsiste toujours — et comment l’imperfection a-t-elle pu naître, si l’être qui est au fond de toutes choses est un être idéal et parfait ? Descartes répond que l’imperfection est nécessairement inhérente à toute chose finie et que toute chose créée est finie. Au reste, ce n’est qu’une négation qui produit l’imperfection ; et cette négation rend le monde plus parfait qu’il ne serait autrement, car la diversité du monde en devient plus grande. Bien que l’œil soit ce qu’il y a de plus magnifique dans le corps, les autres parties du corps n’ont pas de raison de se plaindre, car le corps ne peut se composer exclusivement d’yeux. Descartes esquisse dans ses remarques une théodicée semblable à celle qui fut plus tard exposée tout au long par Leibniz.

d) Philosophie de la nature.

En vertu de son critérium de la vérité, Descartes conclut que nos sensations doivent émaner de quelque chose qui est différent de notre conscience. Mais ce quelque chose n’a — d’après Descartes — nullement besoin d’être fait comme les sens nous le représentent. L’importance de la perception sensible est avant tout pratique ; elle doit nous enseigner ce qui nous est utile ou nuisible. Et alors même que nous regarderions comme l’objet de la perception sensible de nous procurer la connaissance des choses, il n’est pas nécessaire que nos sensations soient semblables aux choses, pourvu qu’elles leur correspondent comme le mot correspond à la pensée. Si nous considérons la façon dont procède la perception sensible, nous verrons que toutes les impressions des sens sont des contacts ; nous n’entrons donc en rapport qu’avec la surface des choses. Si nous voulons nous figurer la nature des choses — abstraction faite de la façon dont elles agissent sur nous — il ne reste que l’étendue, la divisibilité et le mouvement, propriétés que nous ne pouvons même pas supprimer dans notre imagination par la pensée. Telles sont les idées les plus simples et les plus claires que nous puissions avoir de la matière, et si