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par le monde donné dans l’expérience. La succession des phénomènes pourrait se continuer à l’infini, et nous n’avons pas le droit de confondre l’impuissance où se trouve notre esprit de suivre cette succession, avec la nécessité d’admettre une cause première. En outre, je suppose que l’idée de Dieu est déjà connue d’avance en montrant que j’ai le droit de nommer Dieu une cause première. La preuve de Descartes est plus directe. Elle consiste, ainsi que nous l’avons déjà vu, dans l’impossibilité pour l’idée d’un Être infini d’être formée par un être fini. Cette idée est même supposée par l’idée de moi-même en tant qu’être fini et borné ; car le fini suppose une limitation de l’infini ; l’infini est l’élément positif par la limitation duquel naît le fini. L’idée de Dieu se forme alors en supprimant les bornes (c’est-à-dire par la négation d’une négation). Cette dernière définition rapproche considérablement Descartes de cette conception, que l’idée de Dieu est formée comme nous formons toujours notre idéal : par l’élargissement et la suppression des barrières (outre la combinaison de traits empruntés à des ensembles différents). Gassendi objecta à Descartes qu’en réalité nous formons notre concept d’idéal par élargissement et par combinaison ; mais Descartes répondit que cette même faculté d’élargir l’idée de la perfection relative donnée par l’expérience suppose que nous avons notre origine en Dieu. Au lieu d’étudier avec Gassendi la psychologie de la formation de l’idéal (question qui de nos jours a été encore peu traitée), Descartes se contente de l’idée toute faite de Dieu ; comme elle porte sur un objet infini, elle ne peut être créée par un être fini. Cette conclusion ne serait exacte que si non seulement l’objet, mais encore l’idée elle-même était infinie. —

Mais Descartes a encore une preuve, la preuve ontologique. Précédemment il remontait de l’idée de Dieu à la cause de cette idée ; il cherche ici à montrer que si nous pensons clairement et distinctement la notion d’un Être infini et parfait, nous devons aussi admettre l’existence d’un tel être : car ce serait lui contester une perfection que de lui contester l’existence, et par conséquent nous serions en contradiction avec nous-mêmes. Déjà Gassendi objecta à ce raisonnement (contenu dans la 5e Méditation), que l’existence est, à la vérité, la