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de la méthode (chap. iv) et — plus au long — dans les Méditations. Nous pouvons douter de tout contenu, de tout objet de la connaissance. Toutes les opinions, toutes les perceptions peuvent reposer sur une illusion des sens. Figurons-nous qu’un malin génie nous a créés et nous inspire continuellement des erreurs ! Mais même en ce cas il y aurait une chose que nous ne pourrions mettre en doute : notre propre pensée, notre propre conscience. Tout doute, toute erreur est bien un acte de pensée, une activité de conscience. Si nombreuses que soient les choses inexactes, dépourvues d’existence que je me représente, la faculté de représentation (vis imaginandi) prouve toujours sa réalité. En tant que je pense (ou que j’ai conscience), je suis : « Je pense, donc je suis » (Cogito, ergo sum). Ainsi que nous l’avons fait remarquer, c’est là une intuition immédiate, qui ne peut se fonder davantage, pas plus que nous ne pouvons définir ce qu’est la pensée ou l’existence. Cette intuition possède une clarté et une netteté immédiates qui sont le modèle et la mesure de toute autre connaissance. — Descartes déclare que c’est se méprendre que de concevoir cette proposition comme un syllogisme, mais il a incontestablement provoqué lui-même cette méprise en disant donc (ergo).

Cette intuition simple, qu’aucun doute ne saurait ébranler n’est toutefois pas encore une connaissance. Comment poursuivre notre chemin ? Comment fonder la valeur objective de notre connaissance, la réalité de ce que nous nous représentons et de ce que nous pensons ? — Pour répondre à ces questions, Descartes utilise le principe de causalité ou plutôt le principe que l’effet et la cause doivent nécessairement se correspondre. Ainsi que nous l’avons vu, ce principe est de ceux qui pour Descartes peuvent se découvrir par intuition. La lumière naturelle nous enseigne que l’effet ne saurait renfermer plus que la cause. Il s’ensuit que rien ne peut se former de rien et que le parfait ne peut naître de l’imparfait. Si nous appliquons ceci à nos idées, il est clair que certaines idées doivent s’expliquer comme nées de causes extérieures, et d’autres comme créées de nous-mêmes. Mais aucune de ces explications ne suffit pour faire comprendre l’idée de Dieu, Être infini, somme de toute perfection et de toute réalité. Comme je suis moi-même un être