Page:Höffding - Histoire de la philosophie moderne.djvu/224

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’une explication rigoureusement mécanique de la nature, et dans le quatrième (Géométrie) il fonde la géométrie analytique. Il donna l’exposé complet de sa philosophie quelques années plus tard dans les Méditations (1640) et dans les Principia philosophiæ (1644). Il avait envoyé les Méditations en copies à plusieurs penseurs contemporains, par exemple à Antoine Arnauld, le célèbre Janséniste, à Gassendi, à Hobbes, et leurs objections furent imprimées en supplément dans l’ouvrage proprement dit avec les réponses de Descartes, ce qui lui confère un caractère de dialogue intéressant. La discussion avec Gassendi se continua assez longtemps et prit un ton passablement aigre. L’opposition de Gassendi et de Hobbes était purement philosophique et pour cette raison toujours instructive ; mais la nouvelle philosophie se heurta pour de tout autres raisons à une résistance de la part des Jésuites et du protestantisme orthodoxe. À Utrecht, à Groningue et à Leyde se livrèrent de violents combats, car les théologiens tenaient à la philosophie scolastique comme à un rempart de la foi. Enfin une interdiction des idées nouvelles fut rendue. Les Hollandais, dit Descartes dans une lettre, font plus de cas de la barbe, de la voix et de la mine des théologiens que de leur honnêteté. Il croyait les théologiens protestants pires que les catholiques. Il se trouvait entre deux feux. Les théologiens protestants l’accusaient de scepticisme, d’athéisme ; ils disaient qu’il dissolvait les Universités, l’Église et l’État, ils condamnaient en outre sa philosophie comme papiste ; et les théologiens catholiques l’accusaient non seulement d’opinions hérétiques, par exemple de croire au mouvement de la terre (ce qu’il avait essayé de cacher), mais encore de pencher vers le protestantisme et de prendre part au culte protestant.

Le dernier ouvrage de Descartes qui parut de son vivant, est l’intéressant traité des émotions (Les passions de l’âme, 1649). La naissance de ce traité est due à la princesse palatine Elisabeth (fille de Frédéric du Palatinat, le malheureux roi de Bohème), avec laquelle il entretenait une active correspondance. Il développait ses idées éthiques dans les lettres qu’il lui adressait. Il entama aussi une correspondance avec une autre princesse de talent, la reine Christine de Suède. Sur