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peut encore démontrer maintenant. L’application de ces lois à la formation de notre système du monde fait de lui le devancier de Kant et de Laplace. Mais alors vint la nouvelle que Galilée était condamné et que le collège inquisitorial avait réprouvé la théorie de Copernic, supposée par Descartes dans son hypothèse — et l’ouvrage fut abandonné. Il ne veut rien enseigner, écrit-il à son ami, le P. Mersenne, qui soit contraire à la foi de l’Église, et au surplus, sa devise est : heureux qui vit caché (bene vixit, qui bene latuit) ; il désire avant tout avoir la paix et éviter la crainte et les désagréments ; aussi, étant donné l’état de choses présent, veut-il se borner à étudier pour lui seul. — La belle devise de Descartes eut ainsi une vilaine application et l’on a dit avec raison que cette affaire était une tache pour son caractère. On voit à ses lettres qu’il était absolument d’accord avec les résultats de Galilée. Et bien qu’on ait tout lieu de croire que Descartes ait été un catholique sincère, on ne peut guère mettre en doute que la crainte, et encore plus peut-être le besoin de repos, lui aient surtout dicté sa retenue. Il exposa plus tard (dans les Principia philosophiæ) sa théorie de la genèse du monde — sous une forme déguisée, il est vrai. Comme dit son premier biographe, il jeta de la poudre aux yeux de l’Inquisition.

Descartes n’avait encore rien confié à la presse. Ses idées sur la philosophie et la science de la nature étaient cependant connues dans des cercles assez étendus, soit à Paris, soit en Hollande. La philosophie cartésienne — ainsi qu’on a dit avec raison — a été enseignée avant d’être étudiée dans les livres. Plusieurs de ses disciples l’exposèrent dans les Universités de Hollande. Elle provoqua des luttes violentes qui attirèrent à son auteur bien des querelles. Ce n’est qu’en 1637 que, sur les instances énergiques de ses amis, il laissa publier quatre traités. (Essays philosophiques, Leyde 1637) qui devaient donner des exemples caractéristiques de son investigation et de ses résultats. Dans le premier traité (Discours de la méthode), le seul qui ait une signification purement philosophique, il donne l’histoire de ses idées et les traits fondamentaux d’une théorie de la connaissance et d’une métaphysique nouvelles. Dans le deuxième et le troisième traités (Dioptrique, Météores) il donne l’exemple