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par les savants et par les gens de métier. Pour remédier à cette imperfection, il faudrait recommencer par le commencement, faire abstraction de la tradition et élever notre édifice lentement et sur un fondement unique. La vraie méthode consiste à n’admettre que ce qui est clairement et distinctement pensé, à décomposer chaque difficulté en ses diverses parties et à partir du plus simple et du plus facilement intelligible pour entrer ensuite pas à pas dans les questions plus complexes. Telle est la méthode analytique telle qu’elle apparut dans ses grands traits à son regard intérieur. Dans le domaine des mathématiques cette méthode le mena à l’idée d’une science plus générale que les sciences mathématiques particulières : elle devait examiner les rapports, les proportions en général, que ce soit entre des figures ou des nombres ou d’autres choses. C’était une théorie générale des grandeurs ou des fonctions dont la géométrie analytique était l’application spéciale. — Ses pensées travaillaient avec une telle ardeur à ces idées qu’il tomba dans un état d’exaltation. Il eut des rêves bizarres et le lendemain il promit à la mère de Dieu de faire un pèlerinage à Notre-Dame de Lorette, afin qu’elle activât ses pensées. (Il n’accomplit toutefois ce vœu que lorsqu’une occasion favorable se présenta.) Un vœu de pèlerinage, voilà une singulière introduction à la philosophie moderne — et un pendant à la voix surnaturelle où Herbert de Cherbury entendit peu d’années après la sanction de sa « religion naturelle ! » — Mais il était encore trop tôt, croyait-il, pour procéder à l’élaboration de sa philosophie. Après avoir participé à la prise de Prague et à une campagne en Hongrie, il revint en France et prit possession de quelques domaines qui lui étaient échus en héritage. Sa famille désirait le voir se marier et occuper un poste de fonctionnaire ; mais il n’avait pas l’esprit disposé à cela. Il prit la résolution de consacrer sa vie à la science et pour pouvoir s’y livrer en paix, il passa en Hollande (1629). Il avait déjà eu à différentes reprises l’occasion de développer ses idées philosophiques, notamment sur la méthode, dans des cercles littéraires de Paris. Deux remarquables traités inachevés qui ne parurent que longtemps après sa mort : Règles pour la direction de l’esprit et Recherches de la vérité par les lumières naturelles datent