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faculté qu’il préfère nommer perception (perceptio) plutôt que sensation (sensus). Il voudrait voir examiner de plus près comment la première peut se transformer dans la seconde, c’est-à-dire comment la faculté générale d’éprouver les impressions devient sensation, ou comment la vie psychique inconsciente peut passer à la vie consciente. — Outre l’âme sensible et matérielle, Bacon admet comme Telesio une âme spirituelle, créée par Dieu ; mais la religion seule, et non la philosophie, peut nous la faire connaître. — L’observation psychologique spéciale des phénomènes de la vie psychique, qui poursuit sa marche en dehors du matérialisme et du spiritualisme, est inconnue à Bacon. En cela il est inférieur à Sanchez et à Campanella, pour ne pas parler de Descartes. Ce n’est qu’incidemment qu’il l’indique dans cette proposition : nous connaissons la nature au moyen d’une lumière directe, Dieu au moyen d’une lumière brisée à travers le monde comme milieu, et l’homme, qui est son propre objet, au moyen d’une lumière réfléchie (radio reflexo).

Pour ce qui est de l’éthique, Bacon distingue entre l’enseignement des modèles et l’enseignement des moyens et des voies propres à rapprocher de ces modèles. Ce dernier enseignement (de cultura animi) a été négligé à un haut degré pour la même raison qui explique d’une manière générale l’imperfection des sciences ; on a préféré s’enivrer des images d’idéal plutôt que de rechercher péniblement comment cet idéal pouvait se réaliser. Quant au modèle, il a sa forme la plus élevée dans la religion et non dans la philosophie, vu qu’il est révélé d’une façon surnaturelle. La théorie philosophique de l’idéal a déjà été exposée clairement par les philosophes anciens. Cependant Bacon regrette qu’on n’ait pas recherché les sources premières des choses morales (fontes ipsi rerum moralium). Aussi demande-t-il la science du développement psychologique de l’élément moral. Et il en jette lui-même les grands traits. Chaque chose renferme une double tendance : l’une la pousse à se conserver intégralement ; l’autre la pousse à agir comme partie d’un tout plus grand. La première a pour objet le bien individuel, la seconde le bien général. Les philosophes anciens avaient tort d’attacher plus d’importance au bien individuel ; ils faisaient consister le souverain bien dans la connaissance et