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De l’établissement des premiers principes par l’induction il ne dit rien dans sa doctrine de la prima philosophia, mais il traite la question dans un tout autre développement, là où il veut tracer la limite entre la philosophie et la théologie. Bacon recommande expressément de ne pas mêler la philosophie à la théologie ; car on obtient ainsi une philosophie fantastique et une théologie hérétique. Leurs sources sont toutes différentes. La philosophie part de la perception sensible, la théologie s’appuie sur l’inspiration divine. Dans la science, l’esprit humain est sous l’influence de la sensibilité ; dans la foi, il est sous l’influence d’un autre esprit ; voilà pourquoi la foi est plus noble que la science. Et plus un mystère divin est invraisemblable et incroyable, plus on témoigne de respect à Dieu en y croyant, et plus est magnifique le triomphe de la foi. Les principes de la religion une fois admis, on peut en tirer des conséquences logiques, tout comme des premiers principes de la philosophie. Mais la différence, considérable, consiste en ce que, en philosophie, les principes mêmes, comme toutes autres propositions, sont soumis au moyen de l’induction à une analyse exacte ; alors qu’en religion les premiers principes demeurent inébranlables à cause de leur autorité divine. Il en est de même du jeu d’échecs, dont les premières règles ne peuvent se discuter. Bacon pense toutefois que ce qui laisse encore à désirer c’est qu’on ne recherche pas plus précisément dans quelle mesure la raison doit être employée en matière de religion, comme aussi qu’on ne discute pas la question de savoir à quel point l’unité est nécessaire dans les opinions religieuses.

Outre la théologie d’Église qu’il envisage en premier lieu dans ces définitions, Bacon tient également une théologie naturelle pour possible, bien que de peu d’étendue. Elle ne peut que réfuter l’athéisme et montrer la nécessité d’admettre une cause première. Lorsqu’on commence à trouver des causes naturelles (causas secundæ), il arrive souvent qu’on se sent si dominé par elles, qu’on croit n’avoir point besoin d’une cause première. Mais dans la suite le solide enchaînement interne des causes prouve précisément l’existence d’une divinité. Si même la science de la nature n’avait que faire de causes finales, qui perdraient au contraire la science par l’application à la