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choses, tantôt la loi qui préside à leur naissance, permet de caractériser sa théorie de la méthode. Il en résulte qu’il est à la transition de l’ancienne et de la nouvelle philosophie. Comme Platon et les scolasliques, il part de cette idée, qu’il y a une certaine quantité de « natures simples » dont les combinaisons forment les divers phénomènes. Mais il n’établit pas et n’examine pas non plus l’hypothèse que les choses sont soumises à des lois déterminées.

Bacon obtint une combinaison des deux sens de la notion de « forme » en prétendant catégoriquement qu’on ne pouvait connaître l’essence des choses qu’en examinant le processus de leur formation ainsi que la connexion interne des parties dont elles se composent. Mais ces deux opérations nous mènent au delà de la sensibilité. Les modifications de la nature se produisent en effet graduellement, au moyen de petites transitions (per minima), si petites que nous ne les remarquons pas, de même que nous ne pouvons percevoir les petites parties dont sont vraisemblablement composées les choses, et dont le mode de combinaison (schematismus) engendre les qualités (formes !) qu’elles nous présentent. L’objet de l’investigation sera donc de trouver le processus caché (latens processus) qui réunit et enchaîne les divers degrés d’évolution saisis par notre perception bondissante et périodique, et l’ordre caché (latens schematismus) qui est au fond des qualités sensibles. La nature est trop subtile pour nos sens. Nous ne sentons pas en soi le mouvement dans lequel consiste l’essence de la chaleur. Le processus caché se soustrait ici à nous. Il en est de même du développement de l’organisme, du processus de la nutrition (en en comprenant toutes les phases, depuis la réception de la nourriture jusqu’à la complète transformation en chair et en sang), du mouvement volontaire (en en comprenant toutes les phases, depuis le premier mouvement dans l’imagination, puis les processus internes, jusqu’à la flexion et au mouvement des membres). Et la solution du problème devient notamment difficile quand il faut trouver en chaque point ce qui se perd, ce qui reste et ce qui s’ajoute ; car Bacon tient pour certain que la quantité totale de la matière n’augmente et ne diminue pas. — Cette théorie (Nov. Org., I, 10, 50 ; II, 5-7 ;