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lui de bonne heure. Un ouvrage écrit en 1607 (Cogitata et Visa) est la première esquisse de l’œuvre la plus célèbre de Bacon, Novum organum (« la nouvelle logique »), qui parut en 1620, après avoir été remaniée douze fois par Bacon. Il examine les raisons de l’imperfection des sciences, dépeint les obstacles à la connaissance vraie, obstacles que l’on doit chercher dans la nature de l’esprit humain et dans les conditions où celui-ci se développe, et passe ensuite à la description de la méthode inductive. L’œuvre est inachevée et établie sur une échelle telle que les moyens dont on disposait au temps de Bacon ne permettaient pas de l’exécuter. Ce n’est que deux siècles plus tard que Stuart Mill termina par sa logique le travail que Bacon avait eu l’audace d’entreprendre avec son matériel imparfait. — Un de ses écrits de 1605 (Advancement of learning) est la première esquisse détaillée de l’ouvrage De dignitate et augmentis scientiarum (De la valeur et du progrès des sciences), qui parut en 1623. C’est une revue encyclopédique des sciences qui renferme une foule de remarques justes, surtout sur les lacunes qui restent encore à combler. — Les autres œuvres de Bacon sont principalement des recueils de matériaux qui n’offrent presque plus d’intérét maintenant.

Comme auteur, Bacon possède une expression pleine de force et de propriété, et souvent il est extrêmement heureux dans le choix de ses images. Mais il est incompréhensible qu’on ait pu le rapprocher de Shakspeare40. Son imagination contemple et symbolise abstractivement ; l’on y chercherait en vain la fougueuse énergie, la délicatesse de nuances, la richesse d’accords et la profondeur de sentiment de Shakspeare.

c) Les obstacles, les conditions et la méthode de la connaissance.

La science, dit Bacon, a été cultivée depuis très peu de temps seulement, et cela est surtout vrai de la science de la nature, mère de toute science. Les Grecs s’occupaient principalement de philosophie morale, les Romains de jurisprudence, et après l’apparition du christianisme les mieux doués se jetèrent sur la théologie. La science de la nature, regardée comme une simple auxiliaire, n’était cultivée qu’aux heures de loisir, et non comme