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était impossible d’obtenir une semblable attitude. Un peu plus tard, Herbert de Cherbury, qui avait de la politique extérieure une conception analogue, perdit pour cette raison son poste d’ambassadeur d’Angleterre en France. Bacon se pliait aux caprices du roi : la grande question est de savoir s’il n’en avait nullement conscience, ainsi que le croit Edwin Abbott, son biographe. Et pourtant une attitude énergique aurait eu de sa part des suites importantes. Cette docilité eut pour lui-même des conséquences favorables. Il fut nommé d’abord Lord-chancelier, baron de Verulam et vicomte de Saint-Albans. Pour parvenir à ce but élevé, il dut non seulement changer d’idées politiques, mais servir les intérêts des favoris du roi. Ce fut la cause de sa chute soudaine (1621). Bacon avait déclaré légitimes et utiles quelques monopoles avantageux aux parents de Buckingham. Le Parlement s’en étant indigné, le roi rejeta la faute sur ses conseillers. On se retourna contre Bacon et on dressa contre lui l’accusation de corruption. Il se déclara coupable séance tenante, fut dépouillé par la Chambre haute de ses dignités et condamné à une amende considérable et à l’incarcération, aussi longtemps qu’il plairait au roi. Étant tombé — abstraction faite de sa propre faute — victime de la conduite du roi et des favoris, il en fut quitte à bon compte. Il ne fut que quelques jours en prison et quant à l’amende, il ne l’a jamais payée. Il passa ses dernières années dans le silence, occupé à ses travaux scientifiques. Il aurait pu se procurer ce calme plus tôt et à meilleur marché. Il lui fut alors donné d’atteindre ce que dans les Essays il avait indiqué comme la chose la plus enviable : mourir au milieu d’un sérieux travail : on ne sent pas sa blessure quand on tombe dans une chaude mêlée. Il mourut en 1626. — Ses amis et ses serviteurs l’aimaient et l’admiraient. Outre son grand amour de l’étude et sa foi profonde que la culture intellectuelle des hommes prendrait un développement d’une richesse et d’une splendeur jusqu’alors inconnues, ce trait est un de ceux qui jettent une lumière d’apaisement sur son caractère, après tous les détails sinistres que l’on en rapporte par ailleurs.

Juge, homme d’État et courtisan, il n’avait pas oublié les études. Les esquisses de ses chefs-d’œuvre se formèrent en