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science nouvelle, dans le cercle même des humanistes, le besoin d’une logique nouvelle se fit sentir avec une violence de plus en plus grande au cours des xve et xvie siècles. De là une série de tentatives de réformes, de programmes et de déclarations recélant en foule les soupçons de ce qui devait remplacer la logique scolastique, laquelle n’était vraiment propre qu’à tirer des conclusions formelles des hypothèses données au préalable par autorité. Au Moyen Âge, c’étaient principalement la théologie et la jurisprudence qui se servaient de la logique, et toutes deux partaient d’hypothèses que l’autorité avait établies. La longue série de tentatives de réformes atteint son point culminant avec François Bacon de Verulam. Cet homme, que l’on a souvent dépeint comme le fondateur de la science expérimentale, ne mérite même pas le nom d’un Moïse en vue de la terre promise. Sans doute, il possède quelque chose de prophétique, et souvent il exprime d’une façon géniale des pensées qui éclairent la marche et les conditions de l’investigation humaine ; de même, il a bien conscience de son opposition à la scolastique ; mais la terre promise avait été conquise — sans qu’il s’en aperçût — par Vinci, Kepler et Galilée. Il déclare modestement qu’il n’est pas lui-même un guerrier, mais un héraut (buccinator), qui stimule au combat. Mais les savants qui fondèrent la science expérimentale moderne n’avaient pas besoin des accents de sa trompe, pour s’enflammer au combat. Toutefois Bacon n’en a pas moins son importance dans l’histoire de la philosophie. Il recueillit en lui à un rare degré les pensées et les espoirs qui s’agitaient dans le siècle qui vit naître la science nouvelle. S’il n’a pas contribué à sa fondation, il n’en fut pas moins touché par le milieu où elle se développa, et il prédit qu’une science nouvelle influerait nécessairement sur la vie humaine. Plus qu’aucun autre penseur de cette période de transition, il a nettement conscience qu’une transformation fondamentale va s’accomplir dans la marche de la pensée et dans les intérêts. Voilà pourquoi il gardera un grand nom, bien qu’il faille l’abaisser un peu du piédestal où ses compatriotes l’ont élevé, place qu’il ne mérite ni par ses œuvres, ni par sa personne. — Avant d’examiner de plus près cet homme et ses