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tives nous croyons les faits plus simples qu’ils ne sont en réalité. Les propositions mathématiques ne sont valables que pour des figures idéales. Ce n’est pas un défaut des choses réelles si leur forme ne coïncide jamais absolument avec aucune figure construite par la géométrie. La figure irrégulière qu’a la pierre, elle la possède à la perfection. Mais en appliquant les conclusions abstraites aux faits concrets, on doit mettre en ligne de compte la diversité et la complication des conditions. C’est notre arithmétique et non la figure des choses qui est imparfaite. Dans le vide — nous le supposons — tous les corps doivent tomber avec la même vitesse. Mais comme nous ne pouvons faire le vide absolu, nous examinons comment les faits se comportent dans des milieux où l’air est plus ou moins dense et lorsque nous voyons les vitesses se rapprocher à mesure que l’air se raréfie, nous regardons la proposition comme démontrée. On démontre que le corps jeté le long d’un plan horizontal poursuivra son mouvement si tous les obstacles sont enlevés, en se basant sur ce fait que le mouvement dure d’autant plus longtemps que l’on est en mesure de supprimer davantage les obstacles.

Pour trouver dans les expériences des points d’attache de la déduction et pour pouvoir expliquer dans quelle mesure les expériences approchent des hypothèses idéales sur lesquelles repose la déduction, Galilée comme Kepler insiste particulièrement sur les rapports quantitatifs. Ce n’est qu’en mesurant les phénomènes qu’on pourra déterminer jusqu’à quel point ils satisfont aux exigences de la déduction. Voilà pourquoi le principe de Galilée était de mesurer tout ce qui pouvait se mesurer et de rendre mesurable ce qui ne pouvait se mesurer immédiatement.

La méthode principale de Galilée est celle que Stuart Mill a appelée bien plus tard la méthode des variations proportionnelles et que l’on pourrait aussi nommer la méthode du passage à la limite. Elle permet d’allier la pensée abstraite à la perception concrète. Les cas concrets participent ainsi par approximation de l’idéalité des règles abstraites. De même que l’ « idée » était pour Platon le prototype des choses réelles, de même la loi est pour Galilée l’expression idéale de l’enchaînement des choses.