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rant pure imagination (imaginatio) et protesté contre toute méthode procédant par a priori (ou comme l’on disait encore alors, ab anteriore). Au surplus, les deux théories, celle de Tycho Brahé comme celle de Copernic, furent regardées par des adversaires (par exemple par l’Ours des Dithmarses) comme des opinions absolument arbitraires, qui n’avaient d’autre but que de se moquer des gens. Osiander avait bien déclaré en son temps pour éviter le scandale que la conception du monde de Copernic était une hypothèse destinée à faire saisir uniquement les rapports mathématiques, mais qu’il ne fallait pas la prendre au sérieux. Dans son ouvrage inachevé Apologia Tychonis contra Ursum (chap. I) Kepler discute dans son ensemble de la question du sens des hypothèses, et de longues années après il y revient encore dans le premier livre de l’Epitome astronomiæ Copernicanæ. Toute science, dit-il, s’appuie sur certaines hypothèses et l’on n’attend pas pour faire des recherches qu’on ait trouvé les toutes premières hypothèses, pas plus qu’on n’attend, pour bâtir sa maison, que l’on ait examiné si l’intérieur de la terre est solide. Hypothèse au sens le plus large du mot signifie ce que l’on suppose certain en faisant une démonstration. En ce sens, la géométrie s’appuie elle aussi sur l’hypothèse et l’observation sur laquelle on se fonde dans la science de la nature est également hypothèse. Dans un sens plus restreint, une hypothèse astronomique est le résumé des idées à l’aide desquelles un savant démontre l’ordre des mouvements des corps célestes. Ces sortes d’idées ne sauraient en aucune façon être gratuitement formées. Elles doivent se trouver vérifiées par le fait que les conséquences qu’on en a déduites concordent avec les phénomènes réels et ne mènent pas au point de vue physique à des absurdités. On ne saurait pas plus s’en passer, que le médecin ne peut s’abstenir de se faire une idée de la maladie et de s’en tenir aux seuls symptômes. La science commence par l’observation, construit sur elle ses hypothèses et cherche ensuite les causes qui produisent l’enchaînement admis. On constate encore chez Kepler quelque incertitude dans les rapports entre le premier et le second terme de cette tripartition. Quand il dit en effet que Tycho Brahé a fourni les observations sur lesquelles s’étaye l’astronomie, et que Copernic a donné la