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philosophie de la nature d’Aristote, à laquelle il resta longtemps attaché. En astronomie, il avait pour professeur Möstlin qui en particulier doutait de l’exactitude du système de Ptolémée, mais officiellement continuait à l’exposer. Il pendit au croc la théologie pour accepter, à contre-cœur, le poste de professeur de mathématiques au gymnase de Graz. Cette nomination devait décider de son avenir — et de l’avenir de la science. Il conçut alors le projet de donner une nouvelle philosophie de la nature conciliant le système de Copernic avec l’ancienne doctrine qui faisait mouvoir les corps célestes par les substances psychiques. Il se sépare (Epitome astronomiæ Copernicanæ, Op. ed. Frisch., VI, p. 136 et suiv.,) catégoriquement de Bruno en admettant que la sphère des étoiles fixes est la limite de l’univers ; d’après la théorie de Bruno, les étoiles fixes seraient à une telle distance les unes des autres que nous pourrions en réalité en voir beaucoup moins que nous n’en voyons réellement. La sphère des étoiles fixes enferme un espace vide au milieu duquel se trouve le soleil. Autour du soleil tournent les planètes, dont la terre. Bruno voyait ici plus juste que Kepler. D’un autre côté ce dernier était à même de soumettre ses idées — malgré leur origine mystique — à une vérification plus précise que Bruno. Le premier ouvrage de Kepler (Mysterium cosmographicum, 1597) part d’hypothèses théologiques et pythagoriciennes. Il veut voir dans l’univers l’image de la Trinité : au Père correspond le centre, au Fils la sphère d’enceinte, et au Saint-Esprit leur rapport réciproque, exprimé par les relations géométriques entre les différentes sphères où tournent les planètes. Car l’esprit divin se révèle dans les rapports harmonieux de grandeur de l’univers. Kepler cherche à montrer que dans les différentes surfaces sphériques où tournent les planètes on peut placer les cinq corps réguliers, établis par Pythagore, qui n’ont que des surfaces égales, avec des côtés égaux et des angles égaux. Les formes fondamentales de la géométrie et la répartition des corps célestes dans l’espace concordaient ainsi exactement. Tel est le mystère cosmographique dont Kepler était enthousiasmé et auquel il resta attaché comme idée directrice, idée qui contribua à favo-