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montre ce Non-Être relatif ; en cela ils se bornent et se nient mutuellement. — Ce qui est vrai de la force, est vrai également du savoir et de l’inclination. Sans savoir, la force ne peut agir. Mais cette science est immanente à la force, fait corps avec elle. La faculté de remarquer contre quoi il faut agir ne saurait se séparer de la faculté active. L’instinct de conservation des animaux nous le montre clairement ; mais cela est vrai pour toutes les choses de la nature. Voilà pourquoi il faut que le savoir soit primordial et non pas seulement un produit d’influences extérieures. Le postulat de tout autre savoir, c’est la science du moi. Cette science originelle du moi se trouve en toute chose, mais « cachée » (intellectio abdita), elle est en dehors de toute opposition et toute modification. Campanella essaye de montrer comment la connaissance du moi est possible, contredisant ainsi la proposition de Telesio, que toute connaissance suppose un changement. Cette proposition n’est vraie, de l’avis de Campanella, que pour la connaissance acquise par l’expérience externe. Pour connaître d’autres choses, il faut être influencé par elles et par conséquent se modifier. Mais pour se connaître soi-même il n’est pas nécessaire d’être influencé et modifié ; car ce que l’on a ici à connaître est déjà et n’a pas besoin de devenir. L’être particulier a de lui-même une « notion innée et cachée » (notio abdita innata) qui fait un avec sa nature. Si nous ne nous comprenons pas immédiatement nous-mêmes, si nous devons apprendre à connaître notre nature par nos actions, cela tient à ce que notre connaissance du moi, qui est dans notre nature, est toujours empêchée ou entravée par des influences extérieures. Il est nécessaire pour la conservation personnelle d’apprendre à connaître d’autres choses, et ainsi, de nous modifier constamment. Par là, la science originelle s’obscurcit ; l’âme s’ensevelit dans l’oubli et dans l’ignorance d’elle-même. Les animaux inférieurs notamment sont étrangers à eux-mêmes et vivent à cause de l’influence incessante de l’extérieur comme dans un égarement constant. Cette science « cachée » de soi-même est pourtant bien le postulat nécessaire pour avoir quelque connaissance des autres choses. Je perçois la chaleur, signifie que je me sens moi-même échauffé. Toute connaissance du monde extérieur