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tion du premier ouvrage de Descartes, qui devait faire époque.

Campanella veut une philosophie partant de l’expérience. Aussi fut-il enthousiasmé par le programme de Telesio et ne vit-il pas la manière imparfaite dont ce programme est réalisé. Pour la même raison il s’intéressa vivement aux observations de Tycho-Brahé et de Galilée et hésita, ainsi qu’il en a été fait mention, un certain temps dans sa conception de l’univers. Si Galilée a raison dans ses conclusions, dit-il, il faut que nous philosophions d’une nouvelle façon. Et comme Galilée ne cesse de s’appuyer sur des observations, on ne peut le réfuter que par d’autres observations. Le catholique Campanella tient beaucoup à ce que l’Église ne prête pas le flanc à la raillerie en condamnant la nouvelle doctrine. Voilà pourquoi il écrivit en prison son Apologia pro Galileo qui fut imprimée à Francfort en 1622 grâce à l’intercession d’un de ses amis. Mais l’Église (ainsi que nous en reparlerons par la suite avec plus de détails) ne voulait pas s’engager sur la voie que Campanella l’invitait avec tant d’instance à prendre : de laisser expliquer le livre de la nature et le livre de la révélation selon leurs règles respectives, dans la conviction qu’ils finiraient par se trouver d’accord, surtout si l’on persévère dans l’opinion que la Bible, ainsi qu’il est naturel, se contente d’une conception du monde sensible et populaire. Lorsque la sentence fut prononcée contre Galilée, Campanella était un catholique si ardent et à la fois un partisan si zélé de Telesio qu’il se soumit à cette décision34. Il se borna à rejeter les sphères fixes, en s’autorisant des recherches de Tycho-Brahé et de Galilée. Comme Telesio, il croyait qu’il y avait dans le monde deux forces ennemies : la force d’expansion (la chaleur) et la force de contraction (le froid) ; la première a son siège dans le soleil (centrum amoris), la seconde dans la terre (centrum odii). Le soleil avec les autres étoiles comme satellites tourne autour de la terre.

La conception de la nature de Campanella a ainsi que celle de Telesio un caractère animiste, dû à ce que pour lui l’action réciproque des choses, et principalement l’attraction mutuelle des forces opposées, seraient incompréhensibles, si elles n’étaient pas animées. Pour pouvoir agir les unes sur les autres, il