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couvent. Son zèle et sa sagacité éveillèrent bientôt l’attention et la crainte des moines. Il attaqua la philosophie d’Aristote avec des arguments si concluants qu’on pensa qu’ils ne lui étaient pas venus à l’esprit de façon naturelle, et son goût pour les « sciences occultes » était bien fait pour confirmer cette opinion. La philosophie de la nature de Telesio excitait son admiration et il était peiné qu’on ne lui permît pas de visiter le vieux penseur : il ne lui fut donné de voir Telesio qu’étendu sur la bière. En des points essentiels il suit la philosophie de Telesio dont il se montra le zélé défenseur. Pour se soustraire aux inimitiés qu’il avait soulevées, il alla à Rome et de là à Florence et à Padoue. Il ne réussit pas à obtenir une chaire d’où il pût faire connaître ses idées nouvelles. On avait des scrupules à l’endroit de la doctrine nouvelle. Ses manuscrits lui furent même volés — et il ne les retrouva qu’à son retour de l’Italie septentrionale, lorsqu’il dût comparaître par-devant l’Inquisition romaine. Il semble toutefois s’être assez facilement tiré de l’épreuve à laquelle on le soumit. Une épreuve plus rude l’attendait dans sa patrie. Pendant l’effervescence générale des esprits et le mécontentement causés par l’administration espagnole, des troubles éclatèrent en Calabre. Campanella qui avait déjà attiré l’attention sur lui par son opposition en philosophie, devait devenir un objet de méfiance à cause des idées socialistes qu’il eut de bonne heure, et dans une non moindre mesure à cause de sa croyance, que les signes de la nature et du temps l’autorisaient à prédire de grandes révolutions pour l’année 1600. Soupçonné de vouloir porter atteinte à la sûreté de l’État et accusé d’hérésie, il fut soumis plusieurs fois à la plus effroyable torture et resta vingt-sept ans en captivité. Le meilleur de sa vie s’écoula ainsi. Mais l’enthousiasme de cet homme de fer demeura indompté. Dans sa prison il faisait des vers et méditait, et lorsqu’il eut changé son cachot souterrain pour un meilleur séjour, il se livra avec ardeur aux études. Des amis qui le visitèrent confièrent ses manuscrits à la presse. Il finit par obtenir sa liberté et fut expédié à Rome. Le Pape le prit sous sa protection et le laissa fuir en France. C’est là que, soutenu par le gouvernement français, il passa en paix ses dernières années. Il mourut en 1639, deux ans après l’appari-