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faut pas entendre la souveraine divinité, mais chacun de nous, en tant qu’il est en nous des facultés divines, prend la résolution de réformer le ciel. Il tient aux Dieux ce langage : nos histoires scandaleuses sont écrites en toutes lettres dans les astres. Revenons donc à la justice, c’est-à-dire à nous-mêmes. Réformons le monde intérieur et le monde extérieur sera du même coup réformé. — Et cette réforme se traduit par de nouveaux noms donnés aux astres, les différentes vertus prenant la place des formes divines ou animales plus ou moins équivoques. En examinant les vertus qui doivent être représentées au ciel, Bruno trouve l’occasion de faire une « transformation des valeurs » (pour se servir d’une expression moderne). L’exposition est très diffuse, mais elle renferme d’intéressants épisodes. Nous n’avons pas lieu de relever ici de cet ouvrage autre chose que quelques traits caractéristiques.

La première place, la place suprême dans le nouvel ordre de choses est attribuée à la vérité, car elle domine tout et fixe à chaque chose sa place ; toutes choses dépendent d’elle. Si l’on imaginait quelque chose capable de dépasser la vérité et d’en déterminer la valeur, ce quelque chose se trouverait être justement la vérité proprement dite ! On ne saurait donc rien mettre avant la vérité. Beaucoup la cherchent, peu la trouvent. Souvent elle est attaquée, mais elle n’a pas besoin d’être défendue ; plus elle est combattue et plus elle croît. — Cette appréciation tient évidemment à la lutte soutenue par Bruno pour la nouvelle conception du monde et à sa conviction que les idées nouvelles élargiront l’horizon et ennobliront le caractère.

La liaison nécessaire des contraires et leur transition des uns aux autres ont une grande importance dans la conception du monde de Bruno. Il retrouve la même loi dans le domaine de la vie psychique, principalement dans le sentiment. S’il n’y avait pas de modifications, on ne pourrait éprouver aucun plaisir. Tout sentiment de plaisir consiste en une transition, en un mouvement. Et le plaisir suppose comme fond le déplaisir. De là pas de plaisir sans chagrin. Cette affinité des contraires rend possible le repentir et engendre le désir d’un degré de vie plus élevé que celui auquel on s’en est tenu jusqu’ici. Tel est le motif pour lequel Zeus résout de se réformer lui-même ainsi que le monde