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tandis que dans un système logique ils sont placés le plus loin possible les uns des autres.

Pour ce qui est aussi de la connaissance sensible, Bruno insiste sur la distinction critique entre ce qui fait seulement partie de notre activité de connaissance et ce qui appartient à la nature. Cette séparation se montre surtout dans sa dernière phase, où la tendance atomistique de sa conception incitait spécialement en ce sens. Dans l’ouvrage De minimo, qui établit la théorie des atomes, il enseigne que les minima (atomes ou monades) qui sont la réalité proprement dite, ne sont pas eux-mêmes aperçus comme tels. La perception sensible ne se produit donc que par l’effet de leur activité concourante. Les diversités que présentent nos sensations n’ont par conséquent pas besoin de correspondre à des diversités aussi grandes des éléments physiques. Cependant Bruno ne veut pas aller jusqu’à n’admettre qu’une seule matière uniforme (communis materia), car alors on comprendrait difficilement comment les diversités de la perception des sens ont pu se former. Il ne peut s’imaginer que la lumière, l’élément fluide et l’élément sec (les atomes) soient une seule et même matière. Cela tient à ce que sa philosophie atomistique ne concerne que la matière « sèche » ou solide materia arida), mais non la lumière et le fluide éthéré qui produit la liaison des petits corpuscules. Il ne voit pas que la difficulté de comprendre la formation des diversités révélées par la sensation, doit en tous cas se présenter en ce qui concerne la matière « sèche », vu que diverses qualités de sensation y correspondent. Il se rapproche du principe de la subjectivité des qualités sensibles, mais sans s’y ranger complètement. Ce n’est qu’en parlant des éléments du sentiment combinés avec les sensations qu’il enseigne qu’elles n’ont qu’une signification subjective et relative. Leur valeur dépend du sujet qui conçoit, dont elles expriment la façon d’apprécier. Elles sont vraies ex latere potentiarum, non ex latere objectorum (De minimo, éd. 1591, p. 89). On peut appliquer en partie la même observation aux notions morales et esthétiques ; cependant Bruno prétend qu’il y a quelque chose de bon en soi (simpliciter) dont la découverte est laissée à la pensée, laquelle doit alors abandonner le point de vue borné des hommes. Le