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il est illusoire de chercher le siège de la divinité tout à fait en dehors de notre moi, et nous enseigne qu’on doit la chercher dans notre propre fond « dans un rapport plus intime avec nous que celui dans lequel nous sommes avec nous » (di dentro piu che noi medesmi siamo dentro a noi). La divinité est l’âme de notre âme, de même qu’elle est l’âme de la nature tout entière.

L’âme universelle est pour Bruno le principe qui unifie et ordonne tout ; au moyen de l’espace, qui n’est pas vide, mais qui forme un médium éthéré infini, elle produit l’action réciproque des choses individuelles. De même que l’espace n’exclut pas les corps, mais rend précisément possible leur liaison intuitive, de même l’âme universelle comme lieu des idées universelles (mundus intelligibilis), agit, non pas du dehors ou comme un élément étranger aux choses, mais précisément comme la loi qui préside à leur être propre. C’est une artiste qui produit et développe du dedans les formes que prennent les phénomènes de la nature ; non un esprit qui met du dehors le monde en mouvement, mais le principe interne du mouvement. Elle agit dans sa totalité en tout lieu particulier, dans chaque partie singulière. L’univers n’est pas totalité dans ses parties prises une à une ; mais l’âme universelle se manifeste comme totalité dans chacune de ces parties : {{lang|la|Anima tota in toto et qualibet totius parte !30). Dans chaque chose se fait sentir une tendance au mouvement, une force vitale, une volonté qui la met sur les voies qui lui rendent possibles sa conservation personnelle. C’est cet instinct intérieur qui guide le fer vers l’aimant, qui fait prendre à la goutte d’eau ainsi qu’à la terre tout entière la forme sphérique, la mieux faite pour conserver la cohésion. Ce principe moteur interne, grâce auquel l’âme universelle se manifeste dans chaque être de l’univers en particulier, est pour Bruno l’opposé des esprits moteurs extérieurs de l’ancienne philosophie de la nature : il marque un progrès en écartant les causes extérieures là où les causes internes suffisent. Il préparait à la découverte de la loi d’inertie que Bruno indique dans ses dialogues astronomiques. Mais c’est en même temps pour lui, ainsi qu’il ressort clairement de ce qui a été cité, un principe de finalité, d’action téléologique. Il