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et l’on put aspirer à pleins poumons l’air pur d’une nouvelle vie. Bruno a exprimé cette pensée dans quelques sonnets qui précèdent le dialogue « de l’univers infini ». L’image de la réalité, que sa pensée avait travaillé à former avec tant d’enthousiasme et de persévérance prit pour lui un sens symbolique. L’infini du monde extérieur devint à ses yeux l’emblème de l’infini de l’âme. Tout symbolisme n’est pas édifié sur un terrain aussi solide.

c) Idées philosophiques fondamentales.

Le haut fait de Bruno en tant que penseur, c’est le fondement qu’il donne au nouveau système du monde, et qu’il tire de la nature de notre perception des sens et de notre pensée, ainsi que l’agrandissement de l’image de l’univers, qu’il démontre en même temps nécessaire. Ses idées fondamentales générales et sa théorie des principes derniers de l’existence sont en rapports étroits avec cette conception du monde. Se basant sur une étude détaillée des ouvrages écrits en latin de Bruno et les comparant avec les ouvrages écrits en italien, Felice Tocco a cherché à montrer qu’on doit distinguer trois phases dans la conception fondamentale de la philosophie de Bruno. Dans la première phase, il se rapproche des Néo-Platoniciens en voyant dans le monde et dans la connaissance humaine un épanchement de la divinité. Cette phase est représentée surtout par l’ouvrage De umbris idearum (les ombres des idées). Dans la deuxième phase, il conçoit la divinité comme la substance infinie qui subsiste sous tous les changements de phénomènes, comme l’unité de toutes les antinomies de l’existence. Cette phase est représentée par ses écrits principaux, les dialogues italiens parus à Londres. Dans la troisième phase, il conçoit ce qui est au fond des phénomènes comme une infinité d’atomes ou de monades, sans pour cela abandonner la pensée qu’il y a une substance qui se manifeste en toutes choses. C’est dans les poèmes didactiques en latin parus à Francfort, principalement dans le De minimo que cette phase s’exprime. Dans l’ensemble, je puis me ranger à cette conception de l’évolution de la philosophie