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sentir en nous un instinct et une tendance qui ne sont jamais satisfaits du but atteint. Il est inconcevable — dit Bruno — que notre imagination et notre pensée dépassent la nature et qu’aucune réalité ne corresponde à cette possibilité continuelle de spectacle nouveau. Il conclut donc de l’impossibilité subjective de mettre une borne et d’établir un centre absolu à l’absence de borne et de centre. Pour établir cette preuve, il s’appuie, comme il dit lui-même, sur la condition fondamentale de notre connaissance (la conditione del modo nostro de intendere). Comme conséquence exacte de cette observation — conséquence qu’il ne fait cependant qu’indiquer en passant — Bruno remarque quelque part que, à vrai dire, on n’a pas le droit de concevoir l’univers proprement comme un tout s’il n’a pas de bornes.

L’horizon se reformant toujours autour du lieu où se tient le spectateur comme centre, toute détermination de lieu doit forcément être relative. L’univers prend un aspect différent, selon que l’on se le représente observé de la terre, de la lune, de Vénus, du soleil, etc. Un seul et même point sera, selon les différents points d’où il peut être vu (respecta diversorum), centre, pôle, zénith et nadir. Aussi des définitions telles que haut et bas, ne signifient-elles rien d’absolu, ainsi que le suppose la vieille image du monde. Ce n’est qu’en supposant des points visuels déterminés que l’on peut prêter à de semblables expressions une signification déterminée. — Et il en est de la relativité du mouvement comme de la relativité du lieu. Le mouvement ne se conçoit que par rapport à un point fixe, et il s’agit maintenant de savoir où se représenter ce point fixe. Un seul et même mouvement prend un aspect différent, selon que je le considère de la terre ou du soleil, et où que je suppose être, le point où je me tiens me paraîtra toujours immobile. La différence entre ce qui est en repos et ce qui est en mouvement ne peut ainsi acquérir une certitude absolue. L’ancien système du monde suppose donné ce qui est précisément à démontrer, à savoir que la terre est le point fixe d’après lequel se mesure tout mouvement. — De la relativité du mouvement découle la relativité du temps. Nous ne pouvons en effet démontrer l’existence d’un mouvement absolument régulier et nous ne possé-