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qui est à la fois moyen et but des sciences naturelles modernes, était ainsi exclue d’avance. On se coupait le chemin du progrès, — sans pouvoir, avec les moyens disponibles, triompher des difficultés. Le principe d’autorité interdisait la recherche plus libre et plus détaillée des problèmes et fixait le dualisme comme résultat permanent. Le principe d’autorité est lui-même une forme du dualisme, supposant un contraste inconciliable entre la connaissance humaine et le but fixé. Il ne restait plus dès lors qu’à ronger le maigre contenu et à l’interpréter, à force de distinctions et d’argumentations quintessenciées, dans un sens favorable à l’Église. Rien d’étonnant de voir naître une avidité intense d’abondantes réalités concrètes, ainsi qu’un grand enthousiasme pour la richesse nouvelle qui afflua de toutes parts aux siècles de la Renaissance !

Ces inconvénients apparaissent aussi dans le domaine où l’on s’absorba particulièrement au Moyen Âge. L’approfondissement du moi était scrupuleusement religieux. Il ne lui était pas permis de s’élever à la libre connaissance du monde spirituel. Le dogmatique veillait sans cesse sur le mystique que la houle de la vie intérieure entraînait si souvent au delà de ce que l’Église sanctionnait comme le bon et le vrai sentiment. L’Église ne pouvait pas oser abandonner l’expérience interne à ses propres voies, pas plus qu’elle ne pouvait laisser libre jeu à l’expérience externe. Elle voyait un danger à permettre à l’homme de se replier sur lui-même, car il pouvait s’y rencontrer en contact immédiat avec ce qu’il y a de plus précieux et se rendre ainsi indépendant de l’Église. Elle pressentait que la connaissance du moi, aussi bien que la connaissance de la nature, offrait des possibilités d’affranchissement intellectuel et frayerait le chemin à une conception du monde toute différente de la conception théologique. Mais il n’y avait pas que l’obligation de se confiner dans le sentiment religieux qui retardât le développement de l’expérience interne. Ici aussi le dualisme influa en empêchant de reconnaître un système de lois réelles dans le champ intérieur ainsi que les rapports naturels de l’âme et du corps. On ne put bien comprendre la vie psychique tant que ne se fut pas développée une conception plus libre et plus étendue de la nature. —