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qu’il s’était faites. Beaucoup de choses portent cependant à croire que le côté intellectuel de sa nature n’était pas seul à se révolter contre la discipline claustrale. C’était une nature fortement sensuelle ; les neiges du Caucase, déclare-t-il lui-même, ne pourraient refroidir le feu de son cœur. Il a dû soutenir une âpre lutte pour ennoblir ses appétits, pour faire de l’ « impulsion animale » une « impulsion héroïque » et ce n’est pas l’ascétisme qui lui a permis d’atteindre ce but. On le voit à une série de poésies que par la suite il interprète allégoriquement (dans De gl’heroici furori), mais qui à l’origine étaient certainement des poésies érotiques. Dans une comédie, dont la matière a dû être recueillie pendant le séjour qu’il fît dans son pays natal, il peint des situations et emploie des expressions dont la crudité frappe, même lorsque l’on sait que les habitants de Nola étaient connus pour avoir la langue trop libre. Bien qu’entré tout jeune au couvent, il ne resta pas étranger à la vie, qui s’agitait d’ailleurs si fortement en lui qu’elle le fit bientôt ressortir. Malgré tout, ce furent essentiellement des tentations d’ordre intellectuel qui provoquèrent la rupture. — Après s’être enfui de Rome, il erra quelques années dans l’Italie du Nord. À Noli, près de Gênes, il dirigea pendant un certain temps une école de petits enfants et enseignait en même temps l’astronomie à quelques jeunes nobles. À cette époque, il était déjà probablement partisan de Copernic. Il fit connaissance avec lui, d’après sa propre indication, dès sa prime jeunesse. Il ne put d’abord voir dans la théorie nouvelle autre chose que de la folie ; mais bientôt la vérité et la signification s’en révélèrent lumineusement à son esprit, surtout quand il eut appris assez de mathématiques pour pouvoir en suivre le fondement dans le détail. Il éprouva alors le besoin d’aller plus loin que son maître, qui, imbu encore de l’astronomie de l’antiquité et du Moyen Âge, professait la limitation du monde et l’immobilité de la huitième sphère. Pour Bruno, l’univers est sans bornes ; toute tentative d’établir une limite absolue est injustifiée et l’univers comprend une infinité de mondes pareils au nôtre, qui ont chacun leur centre. En tout point de cet univers infini la divinité agit comme l’âme intérieure qui embrasse tout et anime tout. Telles sont les pensées qui se formaient alors en