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système de Copernic est dans l’histoire de la pensée un exemple frappant de la nécessité de poser des idées et des hypothèses qui puissent montrer le chemin à l’examen. Le risque a ses droits, même dans la science.

Copernic ne concevait pas cependant sa doctrine comme une pure hypothèse. — Il ne s’occupa pas lui-même de la publication de son ouvrage. Le prédicateur Osiander, de Nuremberg, en fut chargé qui, pour éviter le scandale, ajouta au livre une préface où il dépeignait la nouvelle théorie comme une hypothèse pure et simple, tout au plus susceptible de procurer quelque plaisir au mathématicien qui essayerait de la prendre pour base. Les opinions nouvelles peuvent, dit-il, être tout aussi bonnes que les anciennes, et personne n’a le droit d’attendre de l’astronomie qu’elle enseigne quelque chose de certain. Cet avant-propos, que le lecteur devait forcément croire provenir de l’auteur, contribua certainement pour une large part au peu de sensation que fit provisoirement la théorie. Si l’auteur ne parlait pas sérieusement, elle ne pouvait avoir un grand intérêt. Luther s’en moqua dans ses propos de table ; et Melanchthon déclara dans son cours de physique (Initia physices) qu’on ne faisait de ces suppositions étranges que par désir de nouveauté et pour faire preuve de subtilité. Mais cela n’est pas bien (honestum), continue-t-il, car cet exemple dangereux peut entraîner à examiner, uniquement pour exercer l’esprit, des opinions aussi absurdes, au lieu d’admettre respectueusement la vérité révélée par Dieu et d’y acquiescer, d’autant plus que la nouvelle doctrine contredit manifestement les dires de la Bible. Aussi Melanchthon regardait-il son jeune collègue Rheticus comme un esprit turbulent. Il n’y eut relativement que peu de gens qui se rangèrent, au cours même du xvie siècle, à la nouvelle doctrine. Parmi les plus enthousiastes étaient Giordano Bruno et Kepler ; Galilée, par crainte du ridicule, se retenait encore et Tycho Brahe — pour des raisons scientifiques et religieuses — prenait une position moyenne entre l’ancien et le nouveau système. Bruno proteste déjà en termes énergiques contre l’hypothèse d’après laquelle le timide avant-propos était aussi de Copernic. Il donne à entendre que certaines gens se contentent de lire la préface ; puis, voyant