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sentait très bien. Il se consola en disant qu’on aimera mieux accorder un agrandissement semblable que d’admettre le fouillis de cercles, nécessaire, si l’on croit que la terre se trouve au centre. Et n’est-il donc pas plus vraisemblable que ce soit ce qui est entouré, qui tourne, plutôt que le cadre qui entoure tout ? La sphère des étoiles fixes est pour Copernic le lieu absolu, par rapport auquel tout autre lieu ou tout mouvement est déterminé (communis universorum locus). Le ciel est en outre la chose la plus respectable de l’univers ; voilà pourquoi il a droit à l’immobilité. Et s’il se mouvait, cela devrait se faire avec une vitesse si énorme que l’on aurait bien plus de raison de craindre qu’il volât en éclats que de redouter avec Ptolémée le même sort pour la terre, si elle venait à se mouvoir. Si l’eau et l’air ne restent pas en arrière dans la rotation de la terre, cela vient de ce qu’ils forment un tout avec la terre proprement dite et prennent, pour cette raison part à son mouvement. Il en est de même des objets situés à la surface de la terre. — Ainsi Copernic cherche à retourner succinctement les objections physiques que l’on pouvait élever contre sa théorie. Il ne dit rien sur la cause pour laquelle les planètes tournent autour du soleil. De même que les anciens, il admet que le mouvement circulaire est le mouvement naturel des corps. Il n’y a mouvement rectiligne que lorsqu’une partie se détache du tout auquel elle appartenait23. Il est donc toujours l’indice que quelque chose est autrement qu’il ne devrait être. — La théorie de Copernic a un caractère descriptif. C’est une tentative faite pour montrer comment apparaissent les choses du monde observées d’un point de vue déterminé. Il ne peut cependant démontrer la nécessité majeure de se placer à ce point de vue. Puis de nombreuses difficultés de détail restaient encore inexpliquées.

Et pourtant, un de ses plus grands continuateurs l’a vanté précisément pour le courage avec lequel il développa ses idées, sans se laisser arrêter par les difficultés, en se fiant plutôt à la raison qu’à la perception. Galilée trouve même très compréhensible de sa part de ne s’être pas arrêté davantage aux arguments opposés : il n’en tint pas plus compte que le lion ne fait cas du jappement des chiens. Sans ce courage, la conception nouvelle n’aurait pas vu le jour et n’eût point été vérifiée. Le