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terre, la grande masse autour de la petite. N’était-il pas plus simple de laisser la grande masse immobile et de faire tourner seulement les petites ?

Avec le principe de simplicité fut combiné le principe qui avait déjà fait dépasser par Nicolas de Cusa l’ancien système du monde (sans le mener du reste à un nouveau), le principe de relativité. Quand un mouvement se produit dans l’espace, dit Copernic, la perception des sens ne peut nous apprendre immédiatement ce qui se meut. Cela peut être la chose perçue. Mais il peut se faire aussi que ce soit celui qui perçoit qui se meut. Et enfin, il se peut que la chose perçue aussi bien que la personne qui perçoit se meuvent avec des vitesses différentes ou dans des directions différentes. Quand nous naviguons, les rives semblent s’éloigner de nous, bien que ce soit nous, et non elles, qui soyions en mouvement. Supposons maintenant que la terre, le lieu d’où nous percevons ce qui se passe dans l’univers, soit en mouvement, et voyons ensuite si nous n’obtenons pas du monde une conception plus simple et plus naturelle que si nous admettons que les objets de la perception se meuvent21). Toute l’œuvre de Copernic consiste dans la démonstration mathématique qu’avec cette hypothèse les phénomènes nous apparaîtront absolument comme la perception nous les montre.

Le nouveau système a ainsi le soleil pour centre et pour source de la lumière du monde. Autour de lui tournent, fixées à des sphères concentriques, les planètes, parmi lesquelles la terre prend place entre Vénus et Mars. La terre tourne en outre autour de son axe. Aux extrémités, l’univers tout entier est entouré par le ciel des étoiles fixes, qui est immobile. Que le monde soit fini ou infini, c’est ce que Copernic ne veut pas trancher. Mais il est constant pour lui que le diamètre de l’orbite de la terre doit être infiniment petit, comparé à l’éloignement de la terre du ciel des étoiles fixes. On ne peut en effet percevoir dans les étoiles fixes un va-et-vient apparent analogue à celui des planètes, qui sont si proches de la terre. Cet accroissement énorme de l’univers, qui ne signifiait pas cependant pour Copernic la rupture de l’ancien cadre, était une des grandes pierres d’achoppement de la nouvelle théorie22), et Copernic le