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exiger. Aussi les champions de la nouvelle hypothèse ne cessent-ils d’insister sur la nécessité d’avoir un « esprit libre ». Joachim Rheticus, le premier disciple de Copernic, dit en faisant allusion aux rapports de son maître avec les astronomes anciens : « Quiconque veut faire des recherches, doit posséder un esprit libre. » Kepler regardait également la liberté d’esprit (animus liber) de Copernic comme une condition essentielle de son œuvre ; Galilée employa aussi la même expression (ingegno libero) en parlant de Kepler20). Il s’agissait d’un mouvement d’affranchissement.

Le fondateur de la nouvelle conception du monde s’appuyait sur le terrain de l’humanisme. Nicolas Copernic, (son vrai nom semble avoir été Koppernigk), naquit le 19 février 1473 à Thorn d’une famille aisée. Les Polonais et les Allemands se sont disputés sa nationalité ; il est probablement issu d’une famille allemande qui était depuis longtemps établie en pays polonais. Autant que l’on sache, il n’écrivait et ne parlait pas polonais. À Cracovie, où il y avait une université florissante, il fit ses humanités, et étudia les mathématiques et l’astronomie. Grâce à l’influence de son oncle, évêque d’Ermeland, il fut admis comme chanoine (canonicus) au couvent de Frauenburg. À cela était attaché un degré inférieur de dignité ecclésiastique ; mais il n’était pas exigé d’instruction préalable en théologie, et fort peu de chanoines étaient à même d’exercer des fonctions ecclésiastiques. Ils vivaient plutôt en gentilshommes et en humanistes qu’en ecclésiastiques. C’est se faire une fausse idée de Copernic que de se le représenter sous les traits d’un moine dans sa cellule. Le jeune chanoine vécut provisoirement dix ans en Italie, à Bologne, à Rome et à Padoue, où il cultiva l’astronomie, la médecine et l’humanisme. Son professeur de Bologne doutait déjà, paraît-il, de l’exactitude du système d’Aristote et de Ptolémée. À son retour d’Italie il passa quelques années, soit comme médecin, soit comme courtisan, auprès de l’évêque d’Ermeland. C’est pendant cette période, de sa trente-troisième à sa trente-sixième année, que se sont formés les grands traits de son système. Il dit lui-même qu’il nota depuis 1506 l’exposé scientifique et le fondement de sa doctrine. Après la mort de son oncle, il demeura la plus grande partie de sa vie au château de Frauen-