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sio apparaît comme un des plus remarquables qu’ait produits la Renaissance. Né de la poussière et sensible dans ses fondements, il ne s’en élève pas moins hardiment vers le sublime. Il tira des conséquences et indiqua des façons de voir qui ne devaient être développées avec une justification féconde que bien plus tard. Et pourtant il provoqua une émotion intense chez les contemporains et prit un ascendant considérable sur des penseurs tels que Bruno, Campanella et Bacon.

12. — Le système du monde de Copernic

La conception du monde transmise par la tradition avait été ébranlée par la critique qu’avait faite Nicolas de Cusa de la théorie du mouvement absolu et par la polémique de Paracelse et de Telesio contre les éléments et les formes d’Aristote. Mais les fondements n’en furent détruits que par le nouveau système du monde de Copernic. Il démontra qu’il y avait, pour considérer les choses, une raison plausible de prendre le contre-pied de la tradition. Luther, qui avait pourtant bouleversé tant de choses, déplorait justement la prétention qu’avaient les partisans de Copernic de mettre le monde sens dessus dessous. Il n’est donc pas étonnant que le nouveau système du monde ait provoqué chez quelques-uns un très grand enthousiasme, car il semblait ouvrir un horizon infini, et que chez d’autres il ait excité le plus grand dépit, car l’on croyait perdre le cadre clair et facile à saisir où l’on avait pu jusqu’alors insérer tout ce que l’on pensait savoir du monde et des forces universelles. Une âpre lutte commença qui fit couler un sang généreux, et, ce qui est encore plus précieux que le sang, un combat non seulement contre les scrupules religieux, mais aussi contre la confiance dans la perception immédiate des sens. La connaissance humaine avait à apprendre que l’être peut avoir en soi une nature tout à fait différente de celle qui se présente immédiatement. C’était une leçon de discernement entre la conception subjective et l’existence réelle qui eut une grande importance en philosophie. En cela, il fallait surtout de la liberté d’esprit ; la faculté de faire abstraction de ce que les sens semblaient enseigner immédiatement et de ce que les idées religieuses paraissaient