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je prétendrai toujours qu’il vaut mieux se fier à la sensation qu’à la raison. » À quoi Parizzi répartit très justement : « Ainsi, tu ne prétends pas, semble-t-il, que cette analogie puisse être perçue par la sensation. Qu’est-ce qui la perçoit donc, si ce n’est la raison ? » — Dans la perception de l’analogie s’ajoute donc quelque chose qui n’existe pas dans les actes sensibles les plus simples. La tentative faite par Telesio pour rendre la connaissance à tous les degrés absolument une, n’a par conséquent pas réussi ; mais en elle-même cette tentative était cependant légitime ; elle fait pendant à l’essai tenté par Nicolas de Cusa. Les deux esquisses renferment des pensées créatrices au point de vue de la psychologie et de la théorie de la connaissance. —

Comme toute matière, l’âme cherche à se conserver. Elle aspire à une foule de biens différents et possède une foule d’appétits différents ; mais quand elle fixe son choix sur un bien unique auquel elle soumet tous les autres biens, il ressort toujours clairement que ce qui la guide dans ce choix, ce sont la conservation personnelle et ses conditions. Tous les biens ont plus ou moins de valeur selon leurs rapports avec la conservation personnelle, et l’activité naturelle, par laquelle un être se maintient et se conserve, implique un sentiment immédiat de plaisir. Aucun être, l’ « esprit » par conséquent pas plus qu’un autre, ne peut tendre à une fin autre que la conservation personnelle. Il se trouve en particulier que la connaissance en est un moyen. La science devient la substance de toute vertu, étant donné l’importance de la connaissance exacte pour découvrir les moyens de conservation personnelle. Les différentes vertus particulières sont les différentes facultés dont a besoin la conservation personnelle. L’individu ne peut avoir une vie sûre et commode que dans une action réciproque avec autrui, et pour que cette action réciproque devienne intime et féconde, il faut que les individus s’unissent aussi étroitement que s’ils formaient un seul être composé, de façon à agir de concert comme les organes d’un organisme. — Tel est le fondement des vertus sociales dont le résumé est l’humanité (humanitas), et dont la possibilité dépend du besoin de vie sociale, de confiance et de bienveillance. Mais la plus haute de toutes les