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qui est contenu dans les principes logiques et mathématiques. La perception des sens me donne des exemples immédiats que le tout est plus grand que la partie, et que je ne puis à la fois affirmer et nier la même chose ; de même, elle me montre immédiatement que la neige est blanche et froide, et que l’homme a deux jambes. À tous les degrés d’approximation, les perceptions sensibles les plus simples sont connexes des principes idéaux des sciences. Il n’y a donc pas de raison pour scinder notre faculté de connaître en deux. D’après sa nature, elle est une et repose absolument sur le rapport d’analogie — ou peut-être sur plusieurs rapports d’analogie très complexes — avec les objets perçus par la sensation immédiate. Voilà pourquoi elle est tout à fait sensation.

L’hypothèse impliquée par toute cette théorie, c’est que l’analogie et la différence peuvent « être senties » tout comme d’autres qualités. « L’esprit, dit Telesio, saisit l’analogie et la différence des choses perçues par les sens ; ce qui produit les mêmes effets, il l’éprouve comme une seule et même chose ; ce qui produit des effets différents, il l’éprouve comme étant différent. » Or la question se pose de savoir si ce sont là aussi des actes sensibles tout simples. En tous cas, entre l’analogie et la diversité d’une part et les autres qualités d’autre part il subsiste cette différence que celles-là supposent — plus que celles-ci — un processus de comparaison, en sorte qu’il faut distinguer dans la sensibilité un côté actif d’un côté passif. Dans la perception de l’analogie et de la différence, le côté actif a la prépondérance sur le côté passif. Ce n’est donc qu’une question de terminologie de savoir si l’on veut employer l’expression sensation en parlant de ces deux faces, ou si l’on veut dire (avec Nicolas de Cusa) qu’au fond de toute perception des sens il y a un acte de pensée. Il arriva cependant à Telesio lui-même de poser la perception de l’analogie comme le contraire de la sensation.

Au reproche que lui fait Patrizzi de mépriser la raison (ratio), il réplique : « Je ne méprise nullement la raison, c’est-à-dire la connaissance des choses que nous procure, non pas la sensation, mais l’analogie des choses perçues par la sensation et je ne croirais non plus jamais qu’elle soit méprisable. Mais