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au monde. Il vient donc s’ajouter ici une force nouvelle ! — Et cependant Telesio ne voulait pas reconnaître la justesse de cette critique. De même en effet qu’il attribue une conscience à la matière, il conçoit l’âme comme une essence matérielle. Si l’âme n’était pas matérielle, comment les forces matérielles pourraient-elles influer sur elle ? Comment pourrait-elle percevoir la dilatation et la contraction, si elle ne se dilatait et ne se contractait elle-même ? Dans le plaisir, l’âme se dilate ; dans la douleur, elle se contracte. Et comme ces phénomènes peuvent se produire vite et facilement, elle doit être composée d’une matière très subtile. Cette matière psychique (spiritus) est située dans les cavités cérébrales ; ce qui le prouve, c’est d’abord que les nerfs proviennent du cerveau, et non, comme le croyait Aristote, dit cœur, que la substance nerveuse ressemble à la matière cérébrale et non à celle du cœur ; c’est que d’autre part la mort survient quand les cavités cérébrales sont remplies d’une substance trop dense ou qu’on lèse le cerveau de quelque autre manière ; de même, il y a inconscience dans l’apoplexie, la syncope et le sommeil, sans que les autres parties du corps se modifient. Nous avons déjà trouvé chez Vives et chez Melanchthon cet esprit vital, qui est tantôt le siège de l’âme, tantôt, comme ici chez Telesio, l’âme elle-même, idée transmise par les médecins et les philosophes grecs. — Il est évident que si Telesio se représente toute matière comme douée de conscience, il doit être tenté de se représenter la conscience elle-même comme une chose matérielle. Cependant il fait une différence entre la conscience elle-même et ce qui se passe dans cet « esprit » qui s’agite et est en mouvement dans les nerfs et dans le cerveau. Il attire l’attention sur ce point qu’un mouvement uniforme de l’ « esprit » n’est lié à aucune sensation, qu’il doit nécessairement se produire dans le mouvement de l’ « esprit » un changement déterminé par l’influence des choses pour rendre la sensation possible ; il fait donc cette remarque : la sensation (sensus) est une perception (perceptio) des impressions extérieures et des changements internes, surtout une perception des changements internes, car ce n’est que par leur moyen que nous connaissons les impressions extérieures18. La sensation