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velle, qui faisait tourner la terre, le corps « froid », et laissait immobile le soleil, le corps « chaud » ! Mais cela n’empêche pas qu’en des points importants Telesio travailla au profit des idées nouvelles qu’on se faisait sur le monde. C’est ce qu’on peut le mieux voir au dépit qu’il excita chez les partisans d’Aristote. Dans toute l’Italie, on organisa des conférences où les « forces » luttaient contre les « formes », et parfois le différend faillit être vidé à l’aide des armes matérielles, (par exemple dans une discussion qui eut lieu en 1573 entre des partisans de Telesio et des étudiants de Padoue). La philosophie de l’Italie méridionale faisait face à la philosophie de l’Italie septentrionale.

Le monde de l’esprit est d’après Telesio en rapports étroits avec le monde de la matière ; bien plus, il n’en diffère nullement. Les forces matérielles, « chaleur » et « froid », doivent posséder la faculté de sentir, car autrement elles ne pourraient subsister, chacune d’elles devant, pour pouvoir résister à l’autre force contraire, en remarquer l’approche, et elles ne pourraient éprouver de la satisfaction à exister et à agir. De plus, toute chose matérielle a besoin d’être en contact avec d’autres choses, raison pour laquelle elle les suit quand elles s’éloignent ; cela aussi suppose une sensibilité et la sensation ; aussi n’a-t-on pas besoin d’attribuer aux choses des organes spéciaux des sens ; un organe des sens n’est que la voie qui transmet une sensation et dont on n’a que faire dans le contact immédiat. Telesio trouve ainsi de façon mythologique, animiste, en donnant une âme aux corps l’hypothèse nécessaire de leur action réciproque. D’importance plus durable est un autre argument dont il se sert pour échafauder sa théorie de l’animation, et qui est le suivant : si les forces premières et la matière primitive ne possédaient pas de sensibilité, l’apparition de cette sensibilité chez des êtres composés à l’aide des forces premières et de la matière primitive serait absolument inexplicable, car ce que l’on n’a pas, on ne peut non plus le donner. Il affirme ainsi l’impossibilité d’expliquer l’apparition de la conscience par la matière, si l’on n’admet pas que la conscience est une faculté originale de la matière. Mais il atteste en même temps que la matière primitive et les forces premières dont il part ne suffisent nullement à expliquer tout ce qui est