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temporain, le Platonicien Patrizzi, qui était sur des points essentiels dépendant de Telesio, lui fait diverses objections justes dans une discussion intéressante qu’il eut soit avec lui, soit avec l’un de ses disciples17. Il fit remarquer entre autres que ce que Telesio appelle matière ne peut se concevoir au moyen de la perception des sens ; car celle-ci nous montre seulement les qualités isolées et changeantes, mais non la matière absolue, passive. Patrizzi aborde ici l’important problème des rapports de la matière avec la force. Il se demande ensuite comment il est possible de dériver de ces deux forces toute la multiplicité des phénomènes. Ces objections portent toutes les deux, et la dernière en particulier est fortifiée par les explications extrêmement arbitraires et naïves que Telesio donne des phénomènes naturels pris isolément. Il n’y avait pas encore de quoi donner des explications scientifiques détaillées et Telesio ne fit pas preuve ici du même esprit analytique qu’en établissant les idées fondamentales valables pour toute la connaissance de la nature. Mais c’était également de l’arbitraire de la part de Telesio que d’appeler les forces premières chaleur et froid. Cela avait pour conséquence logique de faire regarder toujours la production de la chaleur par le mouvement comme secondaire ou comme le réveil d’une chaleur préexistante, tandis que la production du mouvement par la chaleur était le fait original, affirmation purement gratuite, ainsi que le montra Patrizzi. Enfin, bien que la chaleur fût centralisée dans le soleil et le froid dans la terre, cela n’empêchait pas d’après Telesio que la terre produisit de la chaleur sous l’influence du soleil ; mais alors — déclare Patrizzi — la terre devrait pouvoir se mouvoir aussi, puisque la chaleur produit le mouvement. Telesio ne répondit pas lui-même à cette observation ; par contre, un de ses disciples déclara que sans doute il y avait des gens pour croire que la terre tourne, mais qu’ils n’avaient rien prouvé de plus que leur propre perspicacité. Le temps n’était pas encore venu où la théorie de Copernic pouvait prendre une influence décisive sur la conception du monde. La philosophie de la nature de Telesio devait être radicalement modifiée dans ses détails pour concorder avec l’astronomie nou-