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des éléments différents, ils ne pourraient être qu’au nombre de deux : l’un, où agirait la force de dilatation, l’autre, où agirait la force de contraction. Le premier a pour centre le soleil, le second a pour centre la terre. Telesio adopte en cela le système du monde d’Aristote, à celà près qu’il regarde la masse des deux corps célestes comme uniforme, les forces seules étant différentes, et qu’il admet une action réciproque plus vive entre le ciel et la terre qu’Aristote. En outre il s’oppose formellement à la façon dont Aristote fait diriger les sphères célestes par des esprits spéciaux. Le ciel se meut en rond non pas parce qu’un principe étranger l’y oblige, non plus parce qu’il tend à quelque chose situé hors de lui, mais parce que telle est sa nature propre. Et de même la terre reste immobile parce que telle est sa nature, à savoir froide et ténébreuse. Dieu n’intervient pas dans la nature en chaque point particulier, il a doué chaque être d’une nature et d’une façon d’agir propres. Les instincts de conservation personnelle des êtres isolés sont en harmonie, de même que les organes isolés d’un organisme sont en harmonie entre eux en servant le tout, chacun d’eux agissant conformément au caractère de sa nature. Voilà pourquoi il n’y a pas de causes finales particulières, mais pourquoi c’est une satisfaction pour chaque cause de suivre sa nature ; de là nait l’harmonie entre les êtres particuliers. Au lieu d’admettre une accommodation extérieure et une intervention extérieure de Dieu, Telesio croit que la sagesse divine se montre précisément en ce que tout ce qui se produit d’après les lois nécessaires est à soi-même sa fin. Le ciel ne se meut pas en rond à cause de la terre, mais conformément à sa nature propre, ce qui n’empêche pas que sa rotation profite à la terre.

Telesio se propose évidemment d’établir dans les idées un ordre plus exact et plus fécond que celui que présente la philosophie de la nature d’Aristote. Mais il ne produit pas de démonstration méthodique et inductive de la légitimité et de la nécessité de ses idées fondamentales, reniant par là son propre programme, d’après lequel il prétend ne bâtir que sur la perception des sens. On pouvait protester contre ses idées fondamentales elles-mêmes, et l’on protesta. Un philosophe con-