Page:Hérodote - Histoire, trad. Larcher, tome 2, 1850.djvu/41

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
42
HISTOIRE D’HÉRODOTE.

le parti que vous voudrez. Si vous rendez les otages, cette action sera juste ; et si vous les retenez, vous en ferez une injuste. Mais je veux vous raconter un fait arrivé à Sparte au sujet d’un dépôt.

» Nous disons, nous autres Spartiates, que, la troisième génération avant moi, Glaucus, fils d’Épicydes, s’était distingué à Lacédémone entre tous ses compatriotes par plusieurs excellentes qualités, et surtout par sa probité. Mais voici, ajoutons-nous, ce qui lui arriva dans un temps déterminé. Il vint à Sparte un Milésien pour conférer avec lui sur une proposition qu’il voulait lui faire. Je suis de Milet, lui dit-il, et je viens pour goûter les fruits de votre probité, dont la renommée est aussi répandue en Ionie que dans le reste de la Grèce. Les réflexions que j’ai faites sur l’état précaire de l’Ionie, toujours exposée à des dangers, sur la tranquillité et la sûreté du Péloponnèse, et sur l’instabilité des fortunes de mon pays, qu’on ne voit jamais entre les mains des mêmes personnes, m’ont fait prendre la résolution de convertir en argent la moitié de tous mes biens, et de le déposer entre vos mains, persuadé qu’il y sera en sûreté. Chargez-vous donc de cet argent, et gardez en même temps cette marque-ci ; vous le remettrez à celui qui vous représentera la pareille. Ainsi parla le Milésien, et Glaucus reçut le dépôt à cette condition.

» Longtemps après, les enfants de celui qui avait mis cet argent en dépôt étant venus trouver à Sparte Glaucus, et lui ayant présenté la marque, ils lui redemandèrent la somme que lui avait remise leur père. Glaucus chercha à éluder leur demande par sa réponse. Je ne me souviens point de cette affaire, leur dit-il, et je ne me la rappelle en aucune manière. Si cependant elle me revient à la mémoire, je ferai tout ce qui sera juste. Si j’ai reçu quelque chose, il convient de le rendre ; mais si je n’ai rien reçu du tout, je me servirai contre vous des lois des Grecs. Je remets donc la décision de cette affaire au quatrième mois, à compter de ce jour.

» Les Milésiens s’en retournèrent chez eux d’autant plus affligés, qu’ils croyaient leur argent perdu. Cependant