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VIE D’HOMÈRE.

composerait dans la suite. Homère avait besoin du ministère de quelqu’un dans les choses les plus nécessaires à la vie il accepta ces offres.

XVI. Pendant son séjour à Phocée, chez Thestorides, il composa la petite Iliade[1], dont voici les deux premiers vers :

« Je chante Ilion et la Dardanie abondante en excellents chevaux, et les maux qu’ont soufferts dans ses campagnes les Grecs serviteurs de Mars. »

Il y composa la Phocæide, et c’est le sentiment des Phocæens. Quand Thestorides eut écrit ce poëme, et tous ceux qu’il tenait d’Homère, il le négligea, et, résolu de s’approprier ses ouvrages, il quitta Phocée. Homère lui adressa ces vers :

« Thestorides, de mille choses qui sont cachées aux mortels, la plus impénétrable est l’esprit humain. »

Thestorides, au sortir de Phocée, se rendit à Chios, où il établit une école de littérature. Ayant récité les vers d’Homère, comme s’il en eût été l’auteur, on lui donna de grandes louanges, et il en retira un profit considérable. Quant à Homère, il continua le même genre de vie, et ses vers lui procurèrent le moyen de subsister.

XVII. Peu de temps après, des marchands, étant venus de Chios à Phocée, se rendirent aux assemblées où se trouvait Homère. Surpris de lui entendre réciter des poëmes qu’ils avaient souvent entendu déclamer à Thestorides dans l’île de Chios, ils l’avertirent qu’il y avait à Chios un professeur en littérature qui s’attirait de grands applaudissements en chantant ces mêmes poëmes. Homère, comprenant aussitôt que c’était Thestorides, se hâta de se rendre à Chios. Étant allé au port, il ne trouva pas de navire prêt à mettre à la voile pour cette île ; mais il en rencontra un que l’on appareillait pour aller chercher du bois à Érythrée. Comme cette ville lui parut commode pour passer à

  1. On appelle ce poëme la petite Iliade, afin de le distinguer de l’Iliade que nous avons. Pausanias en parle, ainsi que saint Clément d’Alexandrie, sans cependant en nommer l’auteur. Il paraît certain que c’est Leschès de Lesbos qui l’a composé ; sur lequel on peut consulter Saumaise : In exercitationibus Plinianis, p. 847 et seq. (L.)