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HISTOIRE D’HÉRODOTE.

des Thraces Apsinthiens, qui l’immolèrent, suivant leurs rites, à leur dieu Plistore[1]. Quant à ceux qui l’accompagnaient, ils les firent mourir d’une autre manière. Artayctès et les siens, qui s’étaient sauvés les derniers, ayant été atteints un peu au delà d’Ægos Potamos, les uns furent tués après s’être longtemps défendus, les autres faits prisonniers. On chargea ceux-ci de chaînes, de même qu’Artayctès et son fils, et les Grecs les menèrent a Sestos.

CXIX. Il arriva à un de ceux qui gardaient les prisonniers un prodige que je vais rapporter d’après les Chersonésites. Ce garde faisait cuire des poissons salés. Dès que ces poissons furent sur le feu, ils sautèrent et palpitèrent comme des poissons récemment pris. Les spectateurs furent étonnés de ce prodige ; mais Artayctès ne l’eut pas plutôt vu, qu’appelant celui qui faisait cuire ces poissons : « Athénien, lui dit-il, ne t’alarme point de ce prodige, il ne te regarde pas. Protésilas, qui est à Éléonte, m’apprend que, quoique mort et salé, les dieux lui ont accordé le pouvoir de punir celui qui l’a offensé. Je veux donc lui payer le prix de ma rançon, et, pour le dédommager des richesses que j’ai enlevées de sa chapelle, je lui donnerai cent talents[2], et deux cents[3] aux Athéniens s’ils veulent m’accorder la vie à moi et à mon fils. » Ces offres ne touchèrent point Xanthippe. Ceux d’Éléonte demandaient la mort d’Artayctès pour venger Protésilas[4], et

  1. Cette divinité, aussi barbare que le peuple qui l’adorait, est tout à fait inconnue. Les sacrifices qu’on lui faisait me font conjecturer que c’était le dieu de la guerre que les Thraces représentaient sous la forme d’une épée. Les Scythes égorgeaient sur un vase le centième de leurs prisonniers, et arrosaient cette épée de son sang. Les Ciliciens rendaient au dieu de la guerre un culte aussi barbare. Ils suspendaient la victime, soit que ce fût un homme ou un animal, à un arbre, et, s’éloignant à une certaine distance, ils la tuaient à coups de javelots. Quand ils atteignaient la victime, ils croyaient que le dieu agréait le sacrifice. (L.)
  2. 540 000 livres de notre monnaie.
  3. 1 080 000 livres.
  4. Ce héros était fils d’Iphiclus. Il régnait dans la Phtiotide, près de Thèbes, sur les peuples de Phylacé, d’Antron, de Ptéléum, de Pyrrhasus et d’Iton. Les Grecs étant arrivés à Troie, il fut le premier qui descendit à terre : un Dardanien le tua. On l’enterra à Éléonte dans la Chersonèse, vis-à-vis la ville de Troie. On éleva dans la suite une chapelle à ce héros sur le lieu de sa sépulture. (L.)