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HISTOIRE D’HÉRODOTE.

putation ira en augmentant. Mais une pareille conduite convient mieux à des Barbares qu’à des Grecs, et même nous la blâmons dans eux. Aux dieux ne plaise que je veuille, à ce prix, complaire aux Éginètes et à ceux qui approuveraient une telle action. Il me suffit de mériter l’estime des Spartiates, en ne faisant et en ne disant rien que d’honnête. Quant à Léonidas, que vous voulez que je venge, je pense qu’il l’est suffisamment, et qu’il tire un assez grand lustre de cette multitude innombrable de morts, lui et le reste de ceux qui ont péri aux Thermopyles. Au reste, ne vous adressez plus à moi[1] pour me tenir de pareils discours, ou pour me donner de semblables conseils, et sachez-moi gré de ce que je les laisse impunis. » Là-dessus Lampon se retira.

LXXIX. Pausanias fit publier une défense de toucher au butin, et ordonna aux Ilotes de l’apporter dans un même lieu. Ils se répandirent dans le camp, trouvèrent des tentes tissues d’or et d’argent, des lits dorés, des lits argentés, des cratères, des coupes, et autres vases à boire qui étaient d’or ; et, sur des voitures, des chaudières d’or et d’argent dans des sacs. Ils enlevèrent aux morts leurs bracelets, leurs colliers et leurs cimeterres qui étaient d’or, sans s’embarrasser de leurs habits de diverses couleurs. Les Ilotes volèrent beaucoup d’effets qu’ils vendirent aux Éginètes, et ne montrèrent que ce qu’ils ne purent cacher. Telle fut la source des grandes richesses des Éginètes, qui achetaient des Ilotes l’or, sans doute comme si c’eût été du cuivre.

LXXX. Lorsqu’on eut porté toutes ces richesses dans un même lieu, on en préleva la dixième partie pour les dieux. On en fit faire au dieu de Delphes le trépied d’or, soutenu par un serpent d’airain à trois têtes[2], qu’on voit près de l’autel ; au dieu d’Olympie, un Jupiter de bronze de dix coudées de haut[3], et au dieu de l’Isthme, un

  1. Pausanias changea totalement dans la suite. Il donna dans la magnificence et dans le luxe, devint fier, colère, aspira à la tyrannie, et voulut donner des fers à sa patrie. Ce fut la vraie cause de sa mort.
  2. Les chefs des Phocidiens en firent usage dans le temps de la guerre sacrée ; mais le serpent d’airain subsistait encore du temps de Pausanias. (L.)
  3. Cette statue regarde le levant. Elle est dédiée par tous les peuples de la